Eoliennes hydroliennes… , où en sont les énergies marines en France

Eoliennes hydroliennes... , où en sont les énergies marines en France

Le Monde
| 31.05.2016 à 12h29
Mis à jour le
31.05.2016 à 12h37
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Par Pierre Le Hir

« Je ferai de notre pays le leader européen des énergies marines renouvelables », avait promis en 2012 le candidat François Hollande, dans ses « 60 engagements pour la France ». Quatre ans plus tard, on en est encore loin. En dépit du remarquable potentiel que lui offrent son domaine océanique (le deuxième au monde après celui des Etats-Unis, avec 11 millions de km2 d’eaux sous sa juridiction en métropole et dans les outre-mer) et ses quatre façades maritimes (mer du Nord, Manche, Atlantique et Méditerranée), la France a pris du retard dans cette filière prometteuse.

Certes, elle a été pionnière dans le domaine de l’énergie marémotrice utilisant le flux et le reflux de la marée pour produire de l’électricité, avec l’usine de La Rance (Ille-et-Vilaine) qui, mise en service en 1966 et toujours en fonctionnement, constitue une vitrine de son savoir-faire. Mais cette technologie, qui nécessite la construction de barrages et de très lourds investissements, n’est plus guère étudiée dans le monde même si le Royaume-Uni projette de créer un lagon artificiel pour aménager une centrale marémotrice géante.

Les énergies bleues émergent pourtant dans l’Hexagone, et les professionnels leur prédisent un bel avenir. Alors que se tient, mardi 31 mai à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), la troisième édition des Assises nationales des énergies marines renouvelables, tour d’horizon du secteur.

Eolien offshore : le Royaume-Uni mène la course

Exception faite des usines marémotrices, l’éolien en mer posé (dont les mâts sont fixés sur le fond marin, en eau peu profonde) est la seule technologie aujourd’hui exploitée au niveau industriel. L’Europe en est le leader mondial. Fin 2014, les parcs offshore connectés dans l’Union européenne représentaient une puissance totale de 9,2 gigawatts (GW), selon le baromètre 2015 d’EurObserv’ER. Soit une augmentation de 2,2 GW (+ 32 %) en un an. Le Royaume-Uni mène la course en tête, avec 4,4 GW raccordés, devant le Danemark (2,3 GW) et l’Allemagne (1,2 GW).

Et la France Elle reste à la traîne. Aucun moulin à vent ne fonctionne encore près de son littoral. Six parcs éoliens en mer, d’une puissance totale de 3 GW, ont été attribués à la suite de deux appels d’offres lancés en 2011 et 2013, au large des côtes normandes, bretonnes et vendéennes. Mais leur réalisation a pris du retard en raison des restructurations industrielles du secteur de l’énergie et elle doit faire face à la guérilla juridique des associations anti-éoliennes. La mise en service des premières turbines n’est pas attendue avant 2020. Début avril, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a annoncé le lancement d’un troisième appel d’offres au large de Dunkerque, sans en préciser la puissance.

La première partie de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), portant sur les renouvelables, fixe, pour l’éolien flottant posé, un objectif de 3 GW installés à l’horizon 2023, soit l’équivalent des six parcs déjà programmés. Ce n’est que la moitié des 6 GW visés pour 2020 par le Grenelle de l’environnement. Et c’est surtout très loin des 15 GW que le Syndicat des énergies renouvelables (SER) pense possible d’atteindre en 2030, dans sa feuille de route. Toutefois, les professionnels ont obtenu que la PPE prévoit la possibilité de nouveaux projets, pour un volume pouvant aller jusqu’à 6 GW supplémentaires.

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Eolien flottant : vers des fermes pilotes

Au-delà d’une cinquantaine de mètres de profondeur, le principe d’éoliennes flottantes s’impose, d’un point de vue technique comme économique. Il permet de s’éloigner des côtes et de bénéficier de vents plus forts et plus réguliers. Plusieurs technologies sont en cours de développement, notamment des structures flottantes arrimées au fond ou des plateformes submersibles. Il n’existe encore aucun parc industriel dans le monde, mais des prototypes sont testés au Japon (au large de Fukushima), en Norvège ou au Portugal.

En France, après le développement de plusieurs démonstrateurs, un appel à projets pour des fermes pilotes a été lancé en août 2015, dont le ministère doit annoncer les résultats en juillet. Quatre sites ont été identifiés : trois en Méditerranée (près de Leucate, de Gruissan et du phare de Faraman en Camargue), le dernier en Bretagne (au large de l’île de Groix). Il s’agira de petites unités de trois à six éoliennes, qui pourraient être installées vers 2019-2020. Le SER espère, dans la foulée, un appel d’offre commercial. Il estime qu’à l’horizon 2030, des fermes éoliennes flottantes pourraient être déployées à hauteur de 6 GW.

Hydroliennes : le laboratoire breton

Il s’agit, cette fois, d’exploiter une énergie marine au sens propre. En l’occurrence, la force des courants, transformée en énergie électrique grâce à une turbine actionnée par le passage de l’eau. Aucune hydrolienne commerciale n’est pour l’instant en service mais, là encore, le Royaume-Uni a pris une longueur d’avance, avec plusieurs machines testées en Ecosse notamment.

La France lui a emboîté le pas. Deux « spots », traversés par de très puissants courants, sont particulièrement propices : le passage du Fromveur, entre l’archipel de Molène et l’île d’Ouessant (Finistère) et le raz Blanchard, au large du cap de La Hague (Manche). La PME quimpéroise Sabella a signé une première mondiale, en immergeant dans le Fromveur une hydrolienne de 1 mégawatt (MW) qui, depuis fin 2015, fournit au réseau insulaire d’Ouessant une partie de son électricité. L’expérience doit se poursuivre avec des turbines supplémentaires.

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En Bretagne toujours, la première unité d’un démonstrateur de DCNS/OpenHydro et EDF-Energies nouvelles a été mise à l’eau en janvier, sur le site de Paimpol-Bréhat (Côtes-d’Armor), et la seconde l’a été dimanche 29 mai. Ce qui fera des deux machines la première ferme hydrolienne au monde raccordée à un réseau d’électricité, la connexion étant prévue cet été.

Mais c’est dans le raz Blanchard que doivent par la suite tourner des fermes pilotes. L’une, associant Alstom (aujourd’hui General Electric) et Engie, de quatre turbines. L’autre, de DCNS et EDF-Energies nouvelles, de sept unités. Le SER évalue le potentiel hydrolien français entre 5 et 6 GW, dont la moitié pourrait être disponible à l’horizon 2030.

Houle, température, salinité : un horizon plus lointain

Les autres technologies n’en sont qu’au stade exploratoire. L’énergie houlomotrice, produite par le mouvement des vagues, offre sur le papier un très gros potentiel et plusieurs procédés sont dans les cartons, mais aucun prototype n’a encore été testé avec succès.

L’énergie thermique des mers, elle, exploite la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes, via un échangeur de chaleur générant de la vapeur pour entraîner une turbine. Il s’agit d’un marché de niche, surtout adapté à la zone intertropicale où l’écart des températures (au moins 20 °C) est important. La France est bien placée sur ce créneau, avec le projet de démonstrateur Nemo, de 16 MW, porté par DCNS et Akuo Energy en Martinique.

Enfin, l’énergie osmotique, ou de gradient de salinité, vise à tirer parti, par exemple dans un estuaire, de la différence de concentration de sel entre eaux douces fluviales et eaux marines, par le truchement d’une membrane semi-perméable à travers laquelle l’eau douce migre vers l’eau salée. On est, ici, dans le domaine de la recherche.

« La dynamique est lancée »

Pour l’ensemble des énergies marines renouvelables, hors éolien en mer posé, le ministère ne prévoit en tout et pour tout que 100 MW de puissance installée fin 2023. A quoi pourront s’ajouter des « projets attribués » pour un maximum de 2 GW. C’est dire qu’à l’exception de l’éolien flottant et de l’hydrolien, les autres technologies ne sont encore qu’en gestation.

« La France a eu un peu de retard à l’allumage, mais la dynamique est lancée, estime pourtant Antoine Decout, responsables des filières énergies renouvelables en mer et hydroélectricité au SER. L’enjeu est désormais de monter en puissance au niveau industriel, afin de réduire les coûts. » La filière des énergies de l’océan présente plusieurs avantages, souligne-t-il. D’abord, « le gisement est plus important et plus régulier que sur terre ». Ensuite, l’accès aux ressources marines est plus compliqué, ce qui pousse à « des projets de grande taille permettant des économies d’échelle ». Enfin, la France peut escompter à terme « plusieurs dizaines de milliers d’emplois non délocalisables ». Les seuls appels d’offres déjà attribués pour l’éolien en mer posé devraient se traduire par 10 000 emplois fixes, entre terre et mer.

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