EDF veut aider les Français à produire leur électricité

EDF veut aider les Français à produire leur électricité

Le Monde
| 02.06.2016 à 11h02
Mis à jour le
02.06.2016 à 12h03
|

Par Denis Cosnard

C’est un peu comme si Marlboro aidait ses clients à fabriquer eux-mêmes leurs cigarettes, en leur fournissant le matériel adéquat et en leur montrant comment faire. De la même façon, EDF pousse désormais les Français qui le souhaitent à produire leur propre courant’ et donc à moins dépendre des compagnies d’électricité ! Après trois ans de tests, l’entreprise publique lance, jeudi 2 juin, une offre en ce sens, appelée Mon Soleil & Moi.

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EDF ENR, filiale d’EDF spécialisée dans les énergies nouvelles, propose aux ménages intéressés d’établir d’abord avec eux un diagnostic, afin de déterminer la meilleure dimension de l’équipement solaire nécessaire. La société installe ensuite le nombre choisi de panneaux photovoltaïques sur le toit, au sol, dans le jardin ou sur la terrasse. « Des panneaux made in France, fabriqués par notre filiale Photowatt », précise Antoine Cahuzac, le patron des activités vertes d’EDF.

A cela s’ajoute, en option, une batterie de la taille d’une armoire. Assemblée par le sud-coréen LG Chem, elle stocke le courant produit par les panneaux solaires, pour l’utiliser de façon décalée. Cela permet, par exemple, d’éclairer la maison le soir, lorsque le soleil est couché. EDF assure, en outre, la maintenance du système, notamment le remplacement de la batterie, qui dure une dizaine d’années, alors que les panneaux doivent tenir une trentaine d’années. Coût total de l’installation, avec batterie : environ 17 000 euros. Une facture amortie en dix ou quinze ans, selon la société.

Pour EDF, il s’agit d’une petite révolution. Depuis sa naissance après-guerre, l’entreprise s’est construite autour du nucléaire, des grosses centrales, de la production centralisée et de l’utilisation maximale de l’électricité. La voici désormais qui vante tout l’inverse : l’énergie solaire, la production au plus près des besoins, la sobriété énergétique.

350 000 maisons équipées de panneaux solaires

Aider ainsi les Français à acheter moins de courant peut sembler contre-nature pour EDF.

« Ce qui serait contre-nature, ce serait d’ignorer l’émergence de l’autoconsommation, qui répond à une demande profonde des Français, rétorque M. Cahuzac. C’est un élément de plus au service de la transition énergétique. »

Et puis, « si EDF ne le fait pas, ce sont ses concurrents qui le feront », note Richard Loyen, délégué général du syndicat des professionnels du solaire Enerplan. Assez discrètement, Engie, le grand rival français d’EDF, a d’ailleurs lancé, lui aussi, une offre de ce type, dénommée My Power. Une jeune PME fondée en novembre 2013, Comwatt, est également présente sur ce créneau.

En France, quelque 350 000 maisons sont déjà équipées de panneaux solaires. Leur nombre ne cesse de croître.

« Le prix des panneaux a chuté, explique M. Cahuzac. Le coût de l’électricité obtenue à partir de ce type de modules a été divisé par quatre en quatre ans, et le mouvement va se poursuivre. La technologie devient de plus en plus compétitive. »

Cependant, 90 % des particuliers ne consomment pas l’énergie ainsi produite. Ils préfèrent la revendre à EDF, qui est obligée de l’acheter à un tarif élevé, subventionné par l’Etat. Pour leurs besoins, ils avaient jusqu’à présent intérêt à s’alimenter comme tout le monde chez EDF ou chez l’un de ses concurrents, à un prix inférieur.

Solution alternative

Mais cette équation change. Le tarif de rachat de l’électricité solaire, conçu pour stimuler le décollage de cette filière, ne cesse de baisser, à mesure que les Français s’équipent. Depuis 2011, le tarif le plus attractif pour les particuliers a été divisé par deux. Il se limite actuellement à 25 centimes d’euro par kilowattheure. Or, pour en bénéficier, les ménages doivent respecter deux contraintes importantes. Il faut, d’une part, que les panneaux soient intégrés au bâti, qu’ils assurent l’étanchéité, ce qui alourdit les coûts. La vente de la totalité de la production nécessite, d’autre part, de payer un raccordement de l’ordre de 1 500 euros.

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Au total, revendre le courant à EDF perd de son intérêt. De plus en plus de particuliers sont tentés par une solution alternative, sans subvention : l’autoconsommation. Ils peuvent alors poser les panneaux sur les toits ou ailleurs sans travaux d’étanchéité ni frais de raccordement et utilisent eux-mêmes le courant. Certains produisent 15 %, 20 % ou 30 % de leurs besoins, tout en achetant à EDF ou ailleurs le complément d’électricité qui leur est nécessaire. « Ils économisent ainsi du courant qu’EDF vend à 16 centimes du kilowattheure, et c’est rentable », explique Grégory Lamotte, le fondateur de Comwatt. Et plus EDF augmentera ses tarifs de vente comme il le souhaite, plus consommer sa propre électricité deviendra économiquement justifié.

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Pas de quoi menacer l’activité des centrales nucléaires

« Les particuliers ont déjà intérêt à produire eux-mêmes leur courant dans la partie la plus ensoleillée de la France, estime M. Cahuzac. Ce sera le cas pour toute la partie au sud de la Loire, d’ici cinq à sept ans, et pour le nord du pays à l’horizon de dix ou quinze ans. »

Pour l’heure, EDF affiche néanmoins des objectifs limités. L’entreprise pourrait équiper en vitesse de croisière 3 000 maisons par an. Pas de quoi menacer l’activité des centrales nucléaires.

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Chez Enerplan, M. Loyen en est, lui, persuadé :

« L’autoconsommation va décoller, comme c’est déjà le cas en Allemagne, où elle représente 2,5 % de l’électricité. »

La baisse attendue du prix des batteries devrait contribuer au mouvement.

Le gouvernement entend bien favoriser cet essor. Il doit lancer, dans les prochaines semaines un appel d’offres, qui porte sur l’autoconsommation dans les bâtiments industriels, tertiaires et agricoles. Avec, cette fois-ci, une aide à la clé.

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