Ecoles de commerce , l’envol des frais de scolarité

Ecoles de commerce , l'envol des frais de scolarité

La plupart des établissements ont fortement majoré leurs tarifs. A l’avenir, ils devraient continuer à augmenter mais d’une manière limitée.

Le Monde
| 15.11.2016 à 17h53
Mis à jour le
16.11.2016 à 14h33
|

Par Jean-Claude Lewandowski

Jusqu’où les grandes écoles de gestion pourront-elles faire grimper leurs frais de scolarité ‘ La question mérite d’être posée, au vu du parcours déjà accompli ces dernières années : une hausse de l’ordre de 15 % à 20 % et un montant moyen tournant désormais autour de 10 500 euros. En vingt ans, les tarifs ont été multipliés par deux et demi, notait l’Institut Montaigne en 2014.

Aujourd’hui, la plupart des écoles se situent dans une fourchette de 8 000 à 12 000 euros par an, seule Télécom Management affichant un tarif franchement inférieur. Quant aux grands établissements parisiens, ils tutoient désormais la barre des 15 000 euros.

Et celle-ci devrait être franchie rapidement, au moins par HEC. Peter Todd, son directeur général, prévoit d’augmenter ses droits de 6 % à 8 % par an sur les trois prochaines années. Ce qui pourrait conduire les tarifs de l’établissement tout près de 19 000 euros par an un record pour l’Hexagone.

Large palette de services

Est-ce un plafond ‘ Ce mouvement peut-il se poursuivre ‘ Les avis sont partagés. « Nous sommes aujourd’hui au maximum socialement acceptable, compte tenu du contexte économique, estime Jean-Guy Bernard, directeur général d’EM Normandie. Beaucoup de familles ne pourraient pas payer plus. »

Un point de vue que partagent nombre de responsables. A 12 000 ou 15 000 euros l’an (sans parler du coût du logement, des frais de vie, des fournitures’), même les ménages aisés doivent fournir un effort conséquent et ne parviennent pas toujours à financer une seconde scolarité payante lorsque deux de leurs enfants se suivent de près.

Beaucoup, cependant, tiennent à relativiser le coût actuel des business schools en trois ans. « Si on lisse le cursus sur cinq années, nos écoles restent moins chères que bien des formations postbac, souligne Alice Guilhon, directrice générale de Skema. Nos élèves béné­ficient d’une très large palette de services : ­système d’information performant, aide à la recherche d’emploi, suivi individualisé, échanges internationaux, coaching’ Et leur taux de placement est remarquable. »

Lire aussi :
 

Etudes de management : combien ça coûte ‘

« Nous ne sommes pas si chers, plaide également Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’Essec (15 000 euros par an). L’excellence a un coût, il est normal que celui-ci soit répercuté dans nos tarifs. Nos élèves vivent une expérience incomparable ; ils perçoivent à la sortie un salaire moyen de 54 000 euros. De plus, de nombreuses aides permettent aux plus modestes de financer leur scolarité. A l’Essec, plus de la moitié des élèves sont aidés. Et aucun candidat n’est empêché de nous rejoindre pour des raisons financières. » « Nos écoles ne coûtent quasiment rien à l’Etat », ajoute de son côté Bernard Belletante, à la tête d’EM Lyon.

« Pour les familles, c’est la double peine : elles paient à la fois des frais de scolarité et des ­impôts qui servent pour partie à financer l’enseignement supérieur. » Bruno Neil,directeur de l’Institut supérieur de commerce de Paris (ISC)

Les directeurs regardent aussi la situation outre-Atlantique ou au Royaume-Uni. « Aux Etats-Unis, la moindre business school coûte entre 40 000 et 50 000 dollars par an (entre 36 000 et 45 000 euros), note François Bonvalet, directeur général de Toulouse Business School (TBS). Alors qu’en France il est difficile de passer la barre des 12 000 euros. Mais ce n’est pas du tout le même marché’ » Pour Emeric Peyredieu du Charlat, directeur général d’Audencia, « personne ne souhaite arriver à la situation américaine, où les étudiants se retrouvent très endettés, avec un retour sur ­investissement improbable ».

Compte tenu des contraintes financières croissantes auxquelles sont confrontées leur école, la plupart des directeurs jugent néanmoins inévitable la poursuite de la hausse. « La situation actuelle n’est plus tenable. Nous n’avons hélas pas d’autre possibilité », juge le directeur de l’Institut supérieur de commerce de Paris (ISC), Bruno Neil. Tout en soulignant un paradoxe : « Pour les familles, c’est la double peine : elles paient à la fois des frais de scolarité et des ­impôts qui servent pour partie à financer l’enseignement supérieur. »

Des dispositifs pour « amortir le choc »

Reste à savoir jusqu’à quel niveau les écoles peuvent hisser leurs tarifs, sans voir les étudiants se détourner d’elles. Pour l’heure, même les fortes hausses observées ici ou là  comme à l’Edhec, passée en 2015 de 41 000 à 45 000 euros pour l’ensemble du cursus ‘ n’ont pas suscité de désistements. « Passer à 20 000 euros [annuels] dans les prochaines années serait choquant. Mais si les hausses restent raisonnables et si nous continuons à bien faire notre métier, les familles suivront, veut croire Alice Guilhon. En revanche, si les prestations ne sont pas à la hauteur, nous en supporterons les conséquences’ » Quelques-uns évoquent cependant des montants bien plus élevés : 70 000 euros sur trois ans, voire bien davantage pour les écoles leaders.

Lire aussi :
 

Les business schools valent-elles encore le coût

Le plus vraisemblable, de l’avis unanime, est donc une poursuite des hausses à un rythme modéré, légèrement supérieur à l’inflation, au moins pour le programme « grande école ».

A TBS, par exemple, François Bonvalet table sur une progression de 2 % à 3 % sur les trois années à venir. Seules les écoles les plus cotées pourraient se payer le luxe d’une progression plus rapide. De quoi creuser encore davantage l’écart entre les établissements « leaders » et les autres’

L’Essec prévoit cependant de ne pas dépasser 5 % par an. Dans le même temps, les dispositifs destinés à « amortir le choc » pour les étudiants de milieu modeste (alternance, bourses, aides, petits boulots et autres prêts bancaires) devraient eux aussi se développer.

En revanche, les programmes à vocation internationale (MSc, MBA, voire mastères spécialisés’) pourraient grimper plus vite. A Dijon, Burgundy School of Business a déjà fait passer ses cursus spécialisés sur le vin de 9 000 à 15 000 euros en quelques années. Et ne compte pas s’en tenir là’

Un supplément spécial et un salon pour s’informer sur écoles de commerce

Leave A Reply