Drogue au travail , les tests salivaires autorisés sous conditions

Drogue au travail , les tests salivaires autorisés sous conditions

Le Conseil d’Etat a tranché. C’est l’aboutissement d’une série de procédures ouvertes en 2012 par l’inspection du travail contre la société Sud Travaux.

Le Monde
| 10.12.2016 à 10h26
Mis à jour le
11.12.2016 à 15h49
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Par Anne Rodier

Le Conseil d’Etat a tranché : un employeur peut intégrer dans son règlement intérieur un contrôle de consommation de drogue de ses salariés. Sous conditions cependant. Dans une décision de lundi 5 décembre, communiquée par l’AFP vendredi 9, il a annulé l’arrêt de la cour administrative de Marseille du 21 août 2015, aboutissement d’une série de procédures ouvertes en 2012 par l’inspection du travail contre Sud Travaux.

L’inspecteur du Gard avait rejeté le projet de règlement intérieur de cette société de bâtiment, réclamant le retrait de deux points litigieux : des tests salivaires « pratiqués par un supérieur hiérarchique » et que « dans l’hypothèse d’un résultat positif, le salarié [puisse] faire l’objet d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement ».

Sur le premier point, le Conseil d’Etat a rappelé qu’« aucune règle ni aucun principe ne réservent le recueil d’un échantillon de salive à une profession médicale ». Un supérieur hiérarchique est donc en droit de réaliser de tels tests. Le second point pose la question de la liberté du salarié. Le code du travail stipule que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Cette double condition n’est pas négociable. « Le rappel habituel de la Chambre sociale, souvent permissive en ce domaine, est qu »un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail’ » affirme Jean-Emmanuel Ray, professeur à l’Ecole de droit de Paris-I-Panthéon-Sorbonne.

Secret professionnel

Le deuxième point sur le lien entre consommation de drogue et licenciement pourrait donc être litigieux. Sauf que le code du travail exige de l’employeur de respecter la liberté du salarié et d’assurer sa sécurité. Dans la mesure où le règlement de Sud Travaux « réserve les contrôles aléatoires de consommation de substances stupéfiantes aux seuls postes dits hypersensibles drogue et alcool’, pour lesquels l’emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié et pour les tiers », que le supérieur a l’obligation de respecter le secret professionnel et qu’en cas de test positif le salarié a la possibilité d’obtenir une contre-expertise médicale « à la charge de l’employeur », le Conseil d’Etat a décidé qu’il n’y avait pas d’atteinte disproportionnée aux droits des personnes et aux libertés individuelles.

Cela ne revient pas pour autant à autoriser n’importe quel employeur à soumettre n’importe quel salarié à des tests, souligne M. Ray, qui explique ce type de décision à ses élèves en une formule : « Il vaut mieux être chômeur que mort. »

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