Dopé par  le Penelopegate   Le Canard enchaîné  redore son blason

Dopé par  le Penelopegate   Le Canard enchaîné  redore son blason

Les révélations sur la femme du candidat LR à la présidentielle ont permis à l’hebdomadaire satirique de réaliser des ventes qui figurent parmi les plus importantes depuis ses cent ans d’existence.

Le 1er février, Le Canard enchaîné a publié pour la deuxième semaine consécutive des révélations sur l’emploi fictif présumé de l’épouse de l’ex-premier ministre François Fillon, ainsi que sur la rémunération de ses enfants en tant qu’assistants parlementaires. La veille, l’hebdomadaire satirique a vu la page d’accueil de son site internet devenir inaccessible, saturé par des internautes pressés de découvrir la nouvelle « une » du deuxième épisode du « Penelopegate ».

Le jour J, les ventes se sont envolées, le journal s’est arraché partout en France, et dès la mi-journée à Paris, les nombreux kiosques de la capitale étaient en totale rupture de stock. Avec 391 000 exemplaires livrés et vendus presque 100 000 de plus que ses ventes moyennes en kiosque en 2015 (300 000 exemplaires) , auxquels s’ajoutent les 74 000 livrés aux abonnés et les ventes destinées aux DOM-TOM, à la Corse, à l’étranger et aux compagnies aériennes, le Canard s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires. Un score qui figure parmi les plus grosses ventes du journal depuis ses cent ans d’existence.

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Si on est loin des records historiques plus d’un million vendu en mai 1981 pour l’affaire Maurice Papon, ancien ministre de Valéry Giscard d’Estaing impliqué dans la déportation de juifs, 800 000 à 900 000 exemplaires lors des scoops de 1979 sur les diamants de Bokassa et la feuille d’impôt de Marcel Dassault, alors première fortune de France , le volatile ne boude pas son plaisir.

« Il est difficile de faire des comparaisons, ce n’était pas le même climat politique et Internet n’existait pas. Un succès pouvait durer quatre ou cinq numéros. Maintenant, un numéro pète les ventes, et après c’est fini, car Internet nous bouffe une partie de nos ventes », puisque les sites reprennent les informations, a commenté Nicolas Brimo, administrateur délégué du Canard, « Mais avec internet on gagne en notoriété, surtout pour un journal qui ne fait aucune publicité. »

« Cent ans qu’ils rigolent »

« Cent ans qu’ils rigolent’ », comme le rappelait le journaliste du Monde Philippe Ridet dans son enquête à l’occasion du centenaire de l’hebdomadaire satirique, fêté le 5 juillet 2016. Mais « s’il a sorti l’affaire du coiffeur de François Hollande payé 9 895 euros brut par mois, le Canard a laissé le site d’informations en ligne Mediapart sortir celle des millions de Jérôme Cahuzac planqués à Singapour ». « Cela n’a tenu qu’à un cheveu », se désole le directeur de la publication, Michel Gaillard. Depuis, on oppose « la vieille institution, qui se serait endormie sur ses lauriers fanés » au site d’Edwy Plenel, « jeune média mordant et moderne », expliquait le Magazine du Monde dans son enquête.

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Avec ces révélations en salve qui fragilisent François Fillon, lâché par une partie de ses troupes à quatre-vingts jours de la présidentielle, le journal satirique retrouve tout son lustre de « tombeur de la République ». Le quotidien italien Libero ne cache pas son admiration : « Il a encore frappé. Le Canard enchaîné, l’hebdomadaire satirique parisien qui, depuis cent ans, s’emploie à gâcher la fête des puissants de France, ne faillit jamais à sa réputation. Et avec François Fillon, dernière cible en date de ses enquêtes explosives, il continue à allonger la liste des politiciens fauchés au faîte de leur carrière. »

« Le Canard est un cas unique dans l’histoire de la satire, un bijou du journalisme d’investigation, qui a inspiré diverses tentatives peu fructueuses d’imitation. Parce que le Canard est tout simplement inimitable. Ses journalistes sont les mieux informés et les plus insubordonnés de Paris, et leur carnet d’adresse fait pâlir d’envie toutes les rédactions de la capitale. »

Tout comme sa bonne santé financière avec ses 24 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, ses deux millions d’euros de bénéfices après impôt en 2016, son trésor de 100 millions d’euros qui lui permet de jouir d’une indépendance totale : il n’appartient à aucun groupe de presse et ne comporte aucune publicité. Malgré la révolution numérique, l’irréductible titre ne diffuse ses contenus que sur papier.

Depuis cent ans, l’esprit est resté le même, résumé d’une formule dans un papier de son directeur et fondateur, Maurice Maréchal : « Mon premier mouvement, quand je vois quelque chose de scandaleux, c’est de m’indigner ; mon second mouvement, c’est de rire ; c’est plus difficile mais plus efficace. »

Le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits à la suite des révélations du Canard enchaîné sur les emplois présumés fictifs de Penelope Fillon en tant qu’assistante parlementaire de son mari puis de son suppléant.

Marc Joulaud, ex-suppléant de François Fillon à l’Assemblée nationale, a été entendu mercredi. Une perquisition pourrait en outre intervenir au Sénat dans les jours qui viennent, et des auditions vont se poursuivre. Le parquet a demandé aux enquêteurs d’étendre leurs investigations aux activités de Marie et Charles Fillon, qui ont tous deux été rémunérés par leur père au Sénat, comme François Fillon l’a lui-même révélé sur TF1, a-t-on appris jeudi de sources proches du dossier.

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