Donald Trump choisit un militaire pour diriger le Pentagone

Donald Trump choisit un militaire pour diriger le Pentagone

James Mattis, un ancien général de 66 ans, est connu pour son expérience au Moyen-Orient et sa défiance envers l’Iran. Mais il pourrait tempérer l’imprévisible président élu.

Le Monde
| 02.12.2016 à 02h46
Mis à jour le
02.12.2016 à 04h52
|

Par Gilles Paris (Washington, correspondant)

Il faut parfois se méfier des surnoms. Les experts américains ont en effet tout lieu d’être rassuré par l’annonce de la nomination au poste de secrétaire à la défense d’un général à la retraite, le « chien fou » James Mattis, 66 ans, jeudi 1er décembre. C’est en effet un homme jugé pondéré qui va assister un commandant en chef réputé pour ses sautes d’humeur et son imprévisibilité. Dépourvu de la moindre expertise, comme son prédécesseur à la Maison Blanche, Donald Trump s’est ainsi vanté à de nombreuses reprises d’en savoir plus que les militaires sur l’organisation Etat islamique (EI).

M. Trump a curieusement réservé la primeur de cette information à ses sympathisants, au cours d’un meeting organisé à Cincinnati (Ohio). Cette réunion publique est la première étape du « Tour des remerciements » que le milliardaire souhaite accomplir et qui doit le conduire dans plusieurs Etats l’ayant placé en tête le 8 novembre.

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Le président élu Donald Trump ne cache pas l’attrait qu’exerce sur lui le titre de général. Il a cité copieusement George Patton et Douglas MacArthur pendant la campagne. Un atout que James Mattis a manifestement utilisé pour faire preuve de pédagogie et de discernement lorsqu’il s’est entretenu avec le milliardaire à la Trump Tower, le 19 novembre.

Pendant la campagne, ce dernier avait en effet défendu de manière répétée la légitimité et l’utilité de la torture. « Il m’a dit : Je n’ai jamais trouvé cela utile. Donnez-moi un paquet de cigarettes et quelques bières [à l’attention des suspects] et j’obtiendrai de meilleurs résultats.’ J’ai été impressionné par cette réponse », a raconté le président élu lors de sa rencontre avec la rédaction du New York Times, le 22 novembre.

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Carrière au sein des Marines

La nomination d’un militaire pour superviser l’armée rompt néanmoins avec une solide tradition américaine : celle de réserver à un civil la direction des militaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que la règle a imposé un délai de sept ans entre une carrière sous l’uniforme et le poste de secrétaire à la défense. le général Mattis, qui n’a quitté l’armée qu’en 2013, devra donc recevoir un feu vert du Congrès, 66 ans après celui obtenu par un autre général, George Marshall.

Né le 8 septembre 1950, James Mattis bâti sa carrière et sa réputation au sein des Marines pendant l’invasion de l’Afghanistan, après le 11-Septembre, puis en Irak, à partir de 2003. Sensible aux méthodes de contre-insurrection développées pendant le « surge » (l’envoi de renforts en Irak), il avait pourtant dérapé au cours d’une conférence à San Diego, en 2005, en assurant qu’il était « drôle de se battre » contre « des gars qui frappent les femmes pendant cinq ans de suite parce qu’elles ne portent pas le voile ».

Après un passage au sein de l’OTAN, à Norfolk, James Mattis a atteint le sommet de sa carrière militaire en étant nommé en 2010 à la tête du Centcom, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient. Comme il le racontait le 22 avril lors d’une conférence du Center for Strategic and International Studies (CSIS), à Washington, il se réveillait alors chaque matin avec trois questions : « La première sur l’Iran, la deuxième sur l’Iran et la troisième sur l’Iran. »

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Cette défiance vis-à-vis du régime de Téhéran a sans doute précipité la fin de sa carrière, alors que l’administration Obama négociait un accord difficile sur le nucléaire iranien. Elle reste l’axe principal de la réflexion stratégique de James Mattis, centrée sur le Moyen-Orient et les alliés traditionnels des Etats-Unis, de la Jordanie aux Emirats arabes unies. M. Trump partage ce tropisme, mais en partie seulement. Le général considère ainsi la menace représentée par l’EI comme secondaire, et il semble peu favorable à un alignement parfois prôné par le milliardaire sur la Russie en Syrie, qui ne pourrait que bénéficier au régime iranien.

Devant le CSIS, ce contempteur de l’Iran reconnaissait par ailleurs que l’accord conclu en juillet 2015 était peut-être le meilleur qui pouvait être obtenu. C’est celui-là même, pourtant, que M. Trump a promis de déchirer dès son arrivée à la Maison Blanche.

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