Dégâts dus aux migrants , trois cas de riverains du Calaisis en quête d’indemnisations

Dégâts dus aux migrants , trois cas de riverains du Calaisis en quête d'indemnisations

– Marie et Michel : « On note tous les dégâts »

Leurs «
problèmes
» ont commencé «
vers le 21 avril
». Depuis, «
on dort et on vit migrants

», disent Marie et Michel que nous avions déjà rencontrés en mai : «
On se lève vers 5 h et on visionne les vidéos des caméras (installées depuis peu aux abords de leur propriété, qui longe la rocade). Ensuite, vers 9 h, Michel va faire l’état des lieux dans la pâture. Il y a toujours de nouvelles choses : troncs d’arbres, cageots… Il prend des photos et on liste tout.
» Marie et Michel ont déjà déposé 23 plaintes au commissariat. La liste des dégradations est longue : tous leurs peupliers (une quinzaine) ont été tronçonnés (pour servir d’obstacle sur la rocade), le champ de pommes de terre piétiné, la clôture électrique coupée, les ballots de paille volés, le hangar et le chalet démantibulés…

La question des indemnisations ne s’est pas posée immédiatement. Au départ, le couple voulait que l’État leur rachète la propriété : «
Mais le sous-préfet (qui les a reçus début mai, ndlr), nous a dit de patienter, parce qu’un mur allait être construit le long de la rocade
». Mi-mai, le premier adjoint Emmanuel Agius et la conseillère régionale (LR) Faustine Maliar leur rendent visite : «
Ils nous ont promis de ne pas nous laisser tomber.
» C’est la police qui conseille à Marie et Michel de déposer un dossier en mairie. Ils rassemblent alors toutes les pièces demandées (photos, devis, plaintes, etc.) et le déposent début juin. À la fin du mois, ils reçoivent un recommandé de la maire LR Natacha Bouchart : «
Elle nous a écrit que notre dossier était parti en haut lieu.
» Sous-entendu, qu’il a été transmis à l’État. Depuis ce jour, le couple a touché 1 100 de son assurance (pour des dégâts qui dépassent les 7 000 ) et attend toujours des nouvelles de la préfecture(*). Il est en train de constituer un second dossier, avec les nouveaux dégâts subis depuis juin. Le préjudice devrait être moins élevé cette fois-ci : «
Forcément, il n’y a plus rien à prendre dans notre pâture !
»

(*)Celle-ci n’a pas souhaité faire de commentaire.

– Xavier Foissey, agriculteur marckois : « Ma patience a des limites »

Fin juillet, l’agriculteur Xavier Foissey nous confiait qu’il n’hésitait pas à tirer en l’air avec son fusil, la nuit, pour faire fuir les migrants de sa propriété. Ses champs, situés en bordure de l’A16, étaient devenus depuis plusieurs semaines le point de ralliement de dizaines de migrants, venus pour stopper les camions et se cacher à l’intérieur. Le Marckois estimait alors avoir déjà perdu 13 ha de récolte, celle-ci étant piétinée et souillée.

Un mois plus tard, la situation a légèrement évolué : «
On a reçu la DDTM (*), qui s’est rendue compte par elle-même des dégâts. Maintenant, elle va pouvoir constituer un dossier, photos à l’appui.
» Selon Xavier Foissey, la DDTM a déjà ouvert une dizaine de dossiers relatifs à des dégâts causés chez des agriculteurs du Calaisis. Et ce chiffre ne ferait qu’augmenter : «
On doit être à 21 ou22 dossiers désormais, quasiment tous des agriculteurs, jusqu’à Guemps, Offekerque et Nouvelle-Église.
»

Pour Xavier Foissey, la venue de la DDTM reste quoi qu’il en soit «
une démarche positive
». Mais sa patience a des limites, prévient-il, à bout. Car tandis qu’il attend des nouvelles de l’État, les dégâts s’accumulent chaque jour : «
Ils (les migrants, ndlr) s’attaquent désormais à mes arbres fruitiers : vous vous rendez compte, ils les ont coupés ! Ça dépasse l’entendement !
» Autre préjudice récent, celui subi pendant les récoltes : le cultivateur estime avoir mis «
le double de temps pour moissonner, à cause des branches et des barres de fer qui jonchaient le sol
». Pour Xavier Foissey, ce n’est pas à ses assurances de financer ces dégradations : «
C’est à l’État de prendre ses responsabilités
».

(*)Organisme de l’État, la Direction départementale des territoires et de la mer est chargée des questions relatives à l’agriculture.

– Au centre équestre de Fréthun : « On a été indemnisés »

C’est l’un des dossiers les plus aboutis à ce jour : Philippe et Élodie Lens, gérants du centre équestre de Fréthun, ont touché une partie de l’indemnisation promise par l’État (*). Soit près de 60 000′, nécessaires pour installer de nouvelles clôtures. Les travaux sont toujours en cours, avec les désagréments qu’ils comportent : «
Les entreprises sont venues sans être payées pendant plus d’un mois. Puis les gendarmes nous ont demandé de tout rebouger parce que c’était trop près des grilles de la voie ferrée…
» Malgré tout, la responsable du centre équestre se dit soulagée et reconnaissante envers l’État, qui a «
tenu ses promesses
» : «
J’estime qu’on est privilégiés, surtout quand on voit tous ces gens qui subissent des dégâts.
»

Il a fallu près d’un an pour que les Lens touchent de l’argent, pour des dégâts subis entre mai et octobre 2015 principalement, lors des intrusions massives de migrants au Tunnel : «
Notre terrain leur permettait de fuir les gendarmes et d’accéder aux voies.
» Élodie et Philippe ne comptaient plus le nombre de trous dans leur clôture : «
On ne pouvait plus sortir nos chevaux. L’un d’eux est inapte car il s’est blessé dans un grillage découpé.
» Les abords de leur propriété sont à présent ultra sécurisés. Malgré tout, Élodie reste sur ses gardes : «
Je sais que certains migrants passent encore la nuit, car mes chiens aboient
».

(*) L’autre dossier concerne l’un de leurs voisins, agriculteur.

Dégâts et indemnisations : ce qu’il faut savoir

– Qui peut être indemnisé

En théorie, tous ceux qui subissent des dégâts liés à la présence migratoire. Dans les faits, c’est plus compliqué : les assurances ne prennent pas tout en charge, la Ville de Calais n’indemnise que les Calaisiens, et l’État n’étudie que les dossiers particulièrement « lourds ».

– Pourquoi les autres communes n’indemnisent-elles pas

Interrogés, Catherine Fournier (maire UDI de Fréthun) et Pierre-Henri Dumont (maire LR de Marck) livrent la même réponse : leur commune n’a pas le budget suffisant, et c’est de toute façon «
de la responsabilité de l’État
».

– L’État face à « une avalanche de dossiers »

Selon les dégâts constatés, c’est au ministère de l’Agriculture ou à celui de l’Intérieur que revient le dossier. Mais l’État semble naviguer dans un certain flou juridique : «
Il faut inventorier les dégâts et faire une recherche de financement, explique une source proche de l’État. Si l’on épuise sans succès toutes les voies de droit commun, alors il faudra envisager de créer un fonds exceptionnel.
» Selon cette même source, l’État serait confronté à «
une avalanche de dossiers de demandes d’indemnisations
» de toutes sortes, liés à la crise migratoire. Une dizaine sont actuellement traités, dont celui du centre équestre de la route de Gravelines, qui a envoyé une facture d’environ 100 000 .

– La Ville de Calais : un cas à part

Fin 2015, suite à une série de dégradations de voitures, la Ville de Calais a décidé d’indemniser les victimes. C’était, au départ, «
une mesure exceptionnelle
» face à «
un cas exceptionnel
», selon l’expression d’alors d’Emmanuel Agius. Depuis, cette mesure s’est généralisée à d’autres cas similaires : jusqu’à 300 de franchise sont pris en charge pour les assurés tous risques, et jusqu’à 500 pour les assurés au tiers, après validation en conseil municipal. Entre décembre 2015 et juin 2016, 260 dossiers ont été déposés en mairie. 110, soit moins de la moitié, ont été retenus. Jusqu’ici, la Ville a déboursé plus de 41 000 pour indemniser ces riverains.

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