Découvreur des anneaux de Neptune l’astrophysicien André Brahic est mort

Découvreur des anneaux de Neptune l'astrophysicien André Brahic est mort

André Brahic. © Les Ernest/ENS.

C’était la passion, l’enthousiasme et le verbe mis au service de l’astronomie. L’astrophysicien français André Brahic s’est éteint, dimanche 15 mai, des suites d’un cancer, à l’âge de 73 ans. Vouloir interviewer le codécouvreur des anneaux de Neptune se révélerait un exercice redoutable car c’était s’exposer à une rafale de mots, à un tsunami d’histoires, à un bombardement de remarques dont on ne voulait rien manquer, c’était prendre le risque, à tout noter, de finir avec une crampe de la main.

Je l’avais rencontré au début de 2008 pour un portrait dans Le Monde. Nous étions allés déjeuner dans un restaurant du quartier des Grands Moulins de Paris, près de l’université Paris-Diderot où il enseignait. Je ne sais plus quelle fut ma première question mais, en revanche, je me rappelle très bien que je ne pus lui en poser plus de trois au cours des trois heures que dura l’entretien’ Ce fut un festival de digressions, d’incises emboîtées les unes dans les autres, des poupées russes qui seraient devenues des paragraphes, mais un dédale de parenthèses dans lequel le chercheur ne s’égarait jamais et qu’il fermait consciencieusement, les unes après les autres, avec toujours un sens de la formule et une joie de vulgariser palpable. Ce jour-là, nous quittâmes le restaurant vers 16 heures, après avoir mis à rude épreuve la patience du personnel de l’établissement.

Si le cinéaste Etienne Chatiliez avait connu Brahic, nul doute que son film Tanguy se serait appelé André. Né le 30 novembre 1942 à Paris, fils unique et choyé, il passera quatre décennies chez ses parents y compris après avoir fini ses études’ Il choisit la voie de l’astronomie parce que « le mot sonnait comme quelque chose de fascinant et d’amusant ». Sans le savoir, il se retrouve dans le cours d’une figure de l’astrophysique, Evry Schatzman, qui le « fait rêver » et lui décroche un poste d’enseignant-chercheur.

André Brahic planche d’abord sur le rôle des collisions de nuages de poussière et de gaz dans la formation des galaxies et s’aperçoit que son modèle peut marcher avec les anneaux de Saturne, dont il va devenir un des plus grands spécialistes. Ce qui lui permet de travailler sur les images envoyées par les sondes Voyager depuis les planètes lointaines du Système solaire puis d’enchaîner avec la mission américano-européenne Cassini, qui, partie en 1997, tourne toujours autour de Saturne. Entre-temps, il a, avec Bruno Sicardy et Françoise Roques, lancé un programme qui permet, en 1984, la découverte des anneaux d’une autre planète gazeuse, Neptune. André Brahic s’aperçoit que le cinquième de ces anneaux est discontinu et composé de trois arcs qu’il baptise « Liberté », « Egalité » et « Fraternité » (un quatrième arc, Courage, sera découvert plus tard) avec ce sens certain du spectacle et de la formule qui faisait mouche dans les conférences grand public qu’il donnait sur l’astronomie.

André Brahic était de ces garnements souriants à qui on pardonne tout. Qui livrait à Odile Jacob les manuscrits d’Enfants du Soleil ou de Lumières d’étoiles plusieurs années après la date prévue. Qui ne travaillait pas le matin parce qu’il se couchait à l’aube et se levait à midi. Qui mettait des heures à répondre à trois pauvres questions d’un journaliste’ André Brahic était aussi, à sa manière, un doux rêveur. Il rêvait d’une recherche qui ne serait pas rongée par la bureaucratie et la paperasse « La moitié des chercheurs passe son temps à remplir des demandes que l’autre moitié perd beaucoup de temps à lire », m’avait-il confié. Il rêvait d’un monde où les députés suivraient une formation permanente en sciences et où l’on mettrait des chercheurs derrière chaque ministre. Il rêvait, toujours avec humour, comme le rapporte ma cons’ur Azar Khalatbari sur le site de Sciences et Avenir, de se présenter à l’élection présidentielle de 2027 (avant, il était trop occupé) avec un programme « en trois mots : Culture, Recherche, Education ». Il rêvait aussi qu’une sonde aille voir ses chers anneaux de Neptune en 2057, pour ses 115 ans. Le temps avec qui il avait pendant tant d’années joué à cache-cache l’a malheureusement attrapé avant.

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

Signaler ce contenu comme inapproprié

Leave A Reply