Croissance mondiale terrorisme migrations , que peut vraiment le G7

Croissance mondiale terrorisme migrations , que peut vraiment le G7

Le Monde
| 25.05.2016 à 12h01
Mis à jour le
26.05.2016 à 08h25
|

Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance) et
Marc Semo

Un sommet du G7 tient plus de l’entre-soi informel que d’un « directoire » des affaires du monde, ce que cette instance n’a d’ailleurs jamais vraiment prétendu être, même quand elle représentait, lors de sa naissance il y a quarante et un ans, les principaux pays industrialisés. Certes, le président américain, Barack Obama, la chancelière allemande, Angela Merkel, le président français, François Hollande, le premier ministre britannique, David Cameron, ses homologues ialien, Matteo Renzi, et canadien, Justin Trudeau, qui se réunissent jeudi 26 et vendredi 27 mai à l’invitation du premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans la petite localité côtière d’Ise-Shima, au centre de l’archipel, discuteront des grands enjeux d’une planète en crise.

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Ils évoqueront les pistes pour relancer une croissance mondiale poussive et la lutte contre le réchauffement climatique, les moyens de combattre le terrorisme, le défi des migrations, le chaos au Proche-Orient et les menaces djihadistes sur le patrimoine culturel, ainsi que les tensions croissantes en mer de Chine. Mais, s’il regroupe de grandes puissances pesant pour quelque 40 % du commerce mondial, le G7 ne dispose que d’une capacité d’action bien limitée. La Russie, qui avait rejoint ce groupe en 1997, en est exclue depuis 2014, sanctionnée pour sa mainmise sur la Crimée, première annexion par la force d’un territoire en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

« Diplomatie de connivence »

« Ces réunions sont l’occasion d’échanges d’autant plus libres qu’il n’y a pas de décision à prendre », explique un haut diplomate français. Depuis le départ de la Russie, les participants sont à peu près d’accord sur tout, notamment en matière de politique étrangère. Avant même le début du sommet, l’essentiel de la déclaration finale est déjà finalisé « avec juste encore quelques crochets » sur les points de désaccord restants.

Et comment évoquer les questions économiques, alors que les grands émergents, à commencer par la Chine et l’Inde, n’en font pas partie ‘

Beaucoup, aujourd’hui, reconnaissent les limites de ce « club » inventé par Valéry Giscard d’Estaing en 1975, lancé d’abord comme un G5 (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon), pour affronter la crise du dollar et les conséquences du premier grand choc pétrolier. L’Italie et le Canada furent ensuite cooptés. Mais est-il possible désormais de sérieusement réfléchir à la sécurité internationale et à la solution des confits, notamment au Proche-Orient, sans un acteur majeur comme la Russie ‘

Et comment évoquer les questions économiques, alors que les grands émergents, à commencer par la Chine et l’Inde, n’en font pas partie ‘ C’est la raison pour laquelle fut créé, lors de la crise financière de 2008, à l’initiative du président français d’alors, Nicolas Sarkozy, un G20 réunissant, comme c’était déjà le cas depuis longtemps pour leurs ministres des finances, les chefs d’Etat ou de gouvernement des principales puissances économiques, représentant plus de 85 % du produit intérieur brut mondial.

Mais un tel aréopage est trop vaste pour aboutir à des engagements très concrets. « Le risque est de voir de telles instances devenir une sorte de séminaire de réflexion annuel des chefs d’Etat et de gouvernement sur l’état du monde, dans une position de think tank, alors que leur rôle doit être de prendre des décisions », prévient, depuis plusieurs années, Thierry de Montbrial, président de l’Institut français des relations internationales.

« Ces sommets, qui sont des lieux de concertation plus que de décision, où les représentants des grandes puissances se retrouvent entre eux, sont devenus l’archétype de la diplomatie de connivence », relève pour sa part Bertrand Badie, professeur à Sciences Po Paris.

« Réformes structurelles »

Le G7, donc, se cherche. Dans un tel exercice, la mise en scène pour le pays hôte est fondamentale. On se concentre sur la photo finale. En 2015, Angela Merkel avait organisé la réunion au château bavarois d’Elmau, dans un décor de sommets alpins. Cette fois, Shinzo Abe en a rajouté dans la symbolique. Il avait un moment pensé à Hiroshima, où Barack Obama se rendra à l’issue du sommet, pour un discours très attendu sur le nucléaire. Des victimes de la bombe du 6 août 1945 seront présentes à la cérémonie.

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Pour des raisons de sécurité, le premier ministre japonais a finalement opté pour une île difficile d’accès au milieu d’un parc naturel, à proximité du sanctuaire d’Ise. Le lieu de culte est dédié à Amaterasu Omikami, la « grande divinité illuminatrice du ciel ». Il reste le c’ur du culte shinto, la religion première du Japon. Le but est de mettre en avant « la culture et l’histoire » du Japon. Mais les critiques n’hésitent pas à y voir un reflet des inclinations nationalistes du chef de gouvernement.

Sur le plan de la politique intérieure, Shinzo Abe mise sur le succès de la rencontre dans la perspective des élections sénatoriales de l’été. Il attend beaucoup des annonces finales, notamment sur le plan économique. M. Abe plaide en faveur de la relance budgétaire comme moyen de faire redémarrer la croissance. Un point de vue qui n’est pas partagé par tous ses partenaires. Berlin insiste sur la nécessité de « réformes structurelles ».

Le sujet le plus important pour Tokyo reste la sécurité en Asie. Pour cela, le Japon et ses partenaires devraient aborder les programmes nucléaire et de développement de missiles de la Corée du Nord. Ils devraient aussi rappeler l’importance du respect du droit, notamment pour la circulation maritime et aérienne. Ce point cible indirectement la Chine, critiquée pour ses agissements en mers de Chine méridionale et orientale, qui suscite des tensions avec les pays voisins. Tokyo a d’ailleurs invité six nations de la région Asie-Pacifique (Indonésie, Laos, Bangladesh, Vietnam, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sri Lanka) pour assister aux travaux.

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