Cristinel Coman 34 ans #EnMémoireNice

Cristinel Coman 34 ans #EnMémoireNice

Il était né à Roman, petite ville de Moldavie, dans l’est de la Roumanie, dans une région réputée pour sa pauvreté. En 1984, Cristinel Coman n’a pas 3 ans lorsque ses parents déménagent à Rovinari, ville minière de l’ouest du pays, à la recherche d’une vie meilleure. Le père de Cristinel avait trouvé un emploi de mécanicien et sa mère travaillait dans le laboratoire chimique de la mine. Sous le communisme, les métiers de la mine étaient relativement privilégiés : la Roumanie voulait son indépendance énergétique.

Mais avec la chute de Nicolae Ceausescu, en 1989, qui a ouvert la Roumanie sur le monde, l’industrie minière roumaine est devenue obsolète. Cristinel rêvait de justice et voulait devenir gendarme, mais il avait manqué de peu l’examen. Il avait appris le métier d’électricien auprès de son père. Dans les années 2000, la fermeture des mines s’est accélérée. Un tiers des douze mille mineurs de Rovinari sont partis en Europe de l’Ouest. « C’est dur, dit Robert Filip, le maire de Rovinari. J’espère voir le jour où ils reviendront en Roumanie. »

Cristinel a pris lui aussi la route vers l’ouest. Il s’est arrêté à Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, fleuron de l’économie locale. C’est dans cette ville coquette, symbole de la révolution anticommuniste, qu’il a rencontré sa future femme. Avec Adriana, ils ont eu un fils, Denis, aujourd’hui âgé de 8 ans. La belle-mère de Cristinel s’était installée en Autriche, et le jeune couple l’a suivie en 2008. « C’était un débrouillard, très intelligent, dit sa mère, Anisoara Coman. Il a appris tout seul l’informatique, et en quelques semaines, il avait acquis les bases de la langue allemande. »

Cristinel s’est installé à Admont, en Styrie, dans le sud-est de l’Autriche, où il a créé sa propre société de transport. « Il avait un culte pour les voitures et il promenait beaucoup son fils, il voulait lui montrer le monde », raconte sa mère. Au début de juillet, Cristinel avait décidé de faire découvrir la Côte d’Azur à son épouse et à son fils. Le 14 juillet, il se trouvait sur la promenade des Anglais et disait à sa belle-mère au téléphone qu’ils s’apprêtaient à regarder le feu d’artifice. Quelques minutes plus tard, un camion arrivé de nulle part renversait sa femme, qui se trouvait à deux mètres derrière lui. Il n’a eu que le temps de jeter son enfant en l’air pour lui éviter la mort.

Sa dépouille a été rapatriée en Roumanie par les autorités françaises. « J’ai tellement souffert, et ce ne sera jamais fini, dit sa mère. Je n’ai pas pu voir son corps, le cercueil était scellé. Il ne correspondait pas à la taille de Cristinel. Je pense qu’on a mis dedans ce qu’on a retrouvé de son corps. J’aurais tellement voulu l’embrasser une dernière fois. J’ai l’impression qu’il est toujours vivant, là-bas, en Autriche ». Quant au petit Denis, il ne cesse de poser la même question : « Il est où, mon papa »

Mirel Bran

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