Canal+ renonce au dogme de l’abonnement unique

Canal+ renonce au dogme de l'abonnement unique

Le groupe de télévision payante va proposer plus de souplesse à ses abonnés. Sans renoncer à son positionnement « haut de gamme ».

Ce n’est pas le big bang, mais c’est un changement important à l’échelle de Canal+. Depuis sa création, en 1984, le groupe avait peu modifié son modèle, imperméable aux bouleversements du marché. Il proposait deux formules d’abonnement, à Canal+ (40 euros) et/ou au bouquet CanalSat (25 euros), avec un engagement ferme de douze mois reconductible automatiquement.

Le modèle avait fini par paraître rigide. Des nouveaux entrants, comme BeIN Sports ou Netflix, ont installé des prix moins élevés et une souplesse plus grande. Attaqué, Canal+ a vu sa base se réduire en France métropolitaine, perdant plusieurs centaines de milliers de clients. Il comptait 5,45 millions d’abonnés au 30 juin.

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Après avoir essayé différentes ripostes, y compris judiciaires, Canal+ a finalement accepté l’idée de faire évoluer son modèle et de « briser un certain nombre de tabous », comme l’a reconnu son directeur général, Maxime Saada, lors d’une présentation jeudi 13 octobre. Ces « tabous », ce sont en fait les piliers historiques de Canal+ : le prix, l’engagement, l’unicité de l’offre et le mode de distribution. Tous vont évoluer à partir du 15 novembre. « Canal+ a plus changé son offre au cours des six derniers mois qu’au cours des dix années précédentes », résume Charles Bedouelle, analyste chez Exane BNP Paribas.

Un socle attractif, et trois options

Premier changement : la « porte d’entrée » de l’univers Canal+ devient un peu plus accessible, avec une offre à 19,90 euros. Elle permet d’accéder à la chaîne Canal+, au service de rattrapage « Canal à la demande » et à l’application MyCanal, soit sur tous les écrans avec un engagement de vingt-quatre mois (pour ne s’engager que douze mois, il faut payer 5 euros de plus), soit sans engagement, mais uniquement sur PC, mobile et tablette.

Ce palier à 19,90 euros est autant un outil défensif qu’offensif. Aux abonnés anciens désireux de partir, il permet de proposer une offre moins chère même si appauvrie, proche des prix de rétention actuellement pratiqués par Canal+. Pour les gens qui songent à s’abonner, le prix est plus attractif que les offres actuelles, et l’option « sans engagement » permet d’essayer librement.

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Ce premier niveau d’abonnement, « L’Essentiel », est aussi le socle de toutes les autres offres. On ne peut pas ne pas l’avoir. Sauf à opter pour sa version enrichie, « L’Essentiel famille », à 29,90 euros, avec notamment 57 chaînes thématiques actuellement regroupées dans CanalSat cette marque disparaît, et toutes les offres sont regroupées sous le simple nom « Canal ». Il ne sera donc plus possible d’accéder aux seuls chaînes CanalSat pour 25 euros par mois.

Le grand consommateur de sport peut accéder à une offre quasi-intégrale pour 49,90 euros

Au-delà du socle, le modèle devient à la carte. Trois options sont proposées : les chaînes « sport », les chaînes « ciné-séries », les chaînes Canal+. Pour 30 euros de plus, la première permet d’accéder à l’intégralité du sport actuellement proposé à la télévision, sauf SFR Sport (soit notamment Canal+ Sport, BeIN Sports et Eurosport). Le grand consommateur de sport peut donc accéder à une offre quasi-intégrale pour 49,90 euros, ce qui est élevé, mais moins cher que l’addition des prix unitaires de ces chaînes.

Une version intégrale à 99 euros par mois

En ajoutant 20 euros au socle, l’abonné peut s’offrir un pack « ciné-séries » qui promet 6 000 films et 300 séries par an, en s’appuyant notamment sur OCS, Disney Cinema ou TCM Cinéma. Enfin, pour 15 euros, on peut accéder aux chaînes Canal+ non présentes dans le socle (Cinéma, Sport, Séries et Family). Cela permet en fait de reconstituer le bouquet Canal+ actuel pour 34,90 euros, soit un prix un peu moins élevé. Enfin, l’option « intégrale » (« Essentiel famille » + packs Canal+, ciné-séries et sport) est proposée à 99 euros.

« Canal+ répond à la fois à deux tensions, décrypte M. Bedouelle. D’un côté, il veut donner une chance de rester à ceux qui veulent quitter Canal, en améliorant leur offre ou en baissant un peu leur prix d’abonnement. De l’autre, il entend proposer à ceux qui n’ont jamais essayé Canal de tester sans que le ticket d’entrée soit trop élevé. »

L’analyste pointe deux limites potentielles dans les nouvelles offres : le risque de voir des abonnés actuels à 40 euros opter pour le socle à 19,90 euros tout en s’abonnant en parallèle à BeIN Sports seule, à 14 euros. C’est pour limiter ce risque que Canal a commencé à déplacer des programmes sportifs de sa chaîne Canal+ vers Canal+ Sport.

Autre écueil possible : le caractère peu incitatif de l’offre totale, à 99 euros, qui ne propose pas de réelle économie aux foyers qui veulent et peuvent tout s’offrir. Canal+ répond que ceux-ci se voient également proposer un second décodeur et un service clients « premium ».

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Un « problème de contenus », pas « de prix »

Cet exemple est emblématique d’une stratégie qui, finalement, consiste surtout à ne pas baisser la valeur des offres, tout en ménageant une porte d’entrée moins rédhibitoire. M. Bédouelle explique que Canal cherche autant à conquérir qu’à « cimenter sa base d’abonnés ». Il rappelle que tout acteur qui migre vers une offre plus grand public redoute le « spin down » : pour un nouvel abonné conquis à 15 euros, trois autres passent de 40 à 15 euros et l’opération est perdante globalement. Canal a voulu éviter ce scénario.

« Certains abonnés nous ont dit que leur problème n’était pas le prix mais le contenu de leur abonnement, a expliqué jeudi Frank Cadoret, directeur de la distribution. S’ils étaient fans de sport, ils se disaient frustrés. Nous avons désormais avec l’offre sport’ une réponse à leur apporter. »

L’espoir est de rompre l’exode des abonnés, dont le nombre est anticipé à 5,2 millions en fin d’année. Mais aussi d’augmenter la rentabilité moyenne par abonné, traditionnellement élevée chez Canal+. « On ne fait pas tout ça pour faire baisser l’ARPU [le revenu moyen par abonné] », a lâché M. Cadoret. Signe qu’il n’est pas question de brader les offres, mais d’assouplir le modèle pour mieux s’adapter aux différents profils de clients : « On gérait des abonnements, on va gérer des abonnés. »

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