Calais , sur les scènes du tournage du prochain film de Michael Haneke

Calais , sur les scènes du tournage du prochain film de Michael Haneke

«
Quand la voiture démarre et arrive au bout de la rue, c’est bon vous pouvez relâcher, vous n’êtes plus dans le champ
», explique un technicien à deux figurants devant la Pharmacie de la République juste en face du collège. Thierry est l’un d’eux. Il est venu avec son épouse et ses deux filles. «
C’est ma femme qui nous a inscrits. Elle aime le cinéma et puis pour les filles, ça leur fait un petit pécule pour les vacances
», explique le père de famille. Il était déjà là mardi pour le tournage de cette scène.

Mathieu Kassovitz y incarne un père qui vient chercher sa fille, Ève, au collège. Dans la cour et devant l’établissement, les nombreux figurants s’apprêtent à jouer la sortie du collège. «
Mardi
, la
scène a été tournée plus de quarante fois, estime Thierry. On ne s’imagine pas le travail qu’il y a pour trente secondes de film.
» «
Ça a l’air d’être quelqu’un de très exigeant
», commentent certains figurants au sujet de Michael Haneke. Le prix de l’excellence qui ont valu deux palmes d’or au réalisateur.

Devant le collège, Michael Haneke et Mathieu Kassovitz échangent sur les réglages de la caméra embarquée dans un Renault Scénic. L’ambiance est à la fois détendue et à la concentration. L’acteur prend place au volant et «
Action !
» : Ève monte à bord de la voiture, les figurants entrent dans leur rôle (pour la plupart le leur, puisque de nombreux collégiens de République sont présents), la voiture démarre. Voilà pour le premier essai technique. Nouvelles discussions entre le réalisateur, les acteurs, les techniciens. Nouveaux essais avant les prises.

Le tournage va se poursuivre dans les prochains jours à Calais. Des scènes sont prévues rue de l’Espérance, boulevard La-Fayette. Un programme très mouvant car soumis aux aléas de la météo.

« On peut être migrant et avoir une vie »

13 h 30 au collège République. Le tournage doit commencer à 15 h. Les quelque 150 figurants du jour attendent les directives entre un sandwich et une partie de cartes. Alpha-Oumar et Djibril patientent en remplissant le contrat de figurant de la journée. Dans le film Happy End de Michael Haneke, ils jouent de «
faux migrants
», expliquent-ils. Un petit rôle qui a beaucoup de sens pour eux.

Alpha-Oumar a 22 ans. Il est guinéen. Il a un visa étudiant pour le parcours qu’il suit en ingénierie à Villeneuve-d’Ascq. Djibril, lui, joue le «
faux migrant
» après avoir été un «
vrai migrant
» de Calais. «
Je suis arrivé en France il y a quatre ans
», explique le jeune homme de 19 ans. Il a quitté le Mali pour prendre la route vers la Libye, l’Italie, la France, jusqu’à Calais. Il a vécu dans les campements du hangar Paul-Devot. «
Un jour, la police est venue pour nous demander de partir. J’avais peur qu’ils me renvoient chez moi.
» Mineur à cette époque, il est orienté dans des familles d’accueil à Calais et à Boulogne-sur-Mer. Aujourd’hui, il est scolarisé à lycée HQE. Il vit en autonomie dans un studio, entouré de sa dernière famille d’accueil. Alpha-Oumar et Djibril ont candidaté pour ce rôle sur Facebook. «
Ça m’intéresse de participer à ce film pour montrer qu’on peut-être migrant et avoir une vie comme tout le monde. Il ne faut pas juger les gens parce qu’ils sont sales, parce qu’ils ne parlent pas français. S’ils sont là, c’est qu’ils n’ont plus rien derrière eux.
» Dans le film, les rôles de migrants ont été attribués à des personnes (en situation régulière) qui ont un parcours migratoire.

L’histoire

Michael Haneke tourne actuellement son prochain long-métrage Happy End à Calais, Dunkerque et Douai. Le film est co-produit par les Films du Losange et Pictanovo, l’agence régionale en charge de l’audiovisuel. Le réalisateur autrichien, doublement palmé à Cannes (Le Ruban blanc et Amour) réunit à nouveau Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert qui s’étaient donné la réplique dans Amour.

Happy End raconte l’histoire d’une famille bourgeoise du Nord de la France confrontée à un certain nombre de déboires. Le scénario aborde également la crise migratoire sans en être le sujet principal. Le film affiche un budget de 12 millions d’euros, Pictanovo participe à hauteur de 159 000 .

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