Brexit , chez les Morritt dans le Yorkshire madame vote  out  et monsieur hésite

Brexit , chez les Morritt dans le Yorkshire madame vote  out  et monsieur hésite

Le Monde
| 22.06.2016 à 11h33
Mis à jour le
23.06.2016 à 13h30
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Par Eric Albert (Sand Hutton (Royaume-Uni), envoyé spécial)

Poutres apparentes au plafond de la cuisine, café fumant dans les tasses, jolis bouquets d’asperges dans le petit magasin à l’entrée de la ferme’ Complétée avec l’accueil chaleureux de Ronda Morritt, la propriétaire de l’exploitation agricole, l’atmosphère a tout de l’idyllique image d’Epinal de la campagne anglaise. La réalité est tout autre : « Depuis une quinzaine d’années, c’est de plus en plus dur. Les prix de nos asperges et de nos fraises stagnent, et on est devenu beaucoup plus pauvres qu’avant. »

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Avec son mari, Richard, elle équilibre à peine les comptes de Sand Hutton Asparagus, leur ferme d’une vingtaine d’hectares située dans le Yorkshire (nord de l’Angleterre). A la fin, ils ne vivent que grâce à une chose : les aides de l’Union européenne (UE), environ 32 000 euros en 2015. « Les subventions représentent presque l’intégralité de notre bénéfice », témoigne Richard.

Et pourtant, malgré cette dépendance envers Bruxelles, Ronda et Richard Morritt sont extrêmement hésitants avant le référendum pour rester ou sortir de l’UE, jeudi 23 juin. Et divisés. Elle penche plutôt pour sortir, lui plutôt pour rester. « Au début, j’étais en faveur de rester mais maintenant, j’hésite, précise Richard. On cherche à nous faire peur avec les risques du Brexit’. Mais je n’y crois pas. » Lui pense qu’en cas de sortie de l’UE les subventions européennes pourraient être compensées par des aides versées par Londres.

Pour tenter de rassurer, le camp du « Leave » a d’ailleurs promis de maintenir les mêmes versements jusqu’en 2020. Les deux tiers des aides versées par l’UE au Royaume-Uni sont revenues aux agriculteurs, soit 3,6 milliards d’euros.

« Complètement fous »

Derrière les hésitations de Ronda et Richard Morritt se trouve une profonde méfiance envers Bruxelles, vue comme une énorme machine administrative sans âme. « La politique agricole commune bénéficie aux très grandes exploitations agricoles, qui écrasent toutes les autres, explique Richard. Aux Pays-Bas, ils répandent leurs pesticides en se guidant par GPS. Face à ça, nous qui proposons des produits de haute qualité, en relativement petites quantités et en refusant de vendre aux supermarchés, on n’est pas grand-chose. »

Outre les subventions de la PAC, Richard et Ronda Morritt bénéficient grandement d’une autre politique européenne : la libre circulation des personnes. En cette saison des récoltes, dix-sept employés venant de Roumanie et de Pologne sont sur place. Une agence en Roumanie a organisé leur venue, et les travailleurs logent dans des caravanes. Ronda Morritt estime pourtant que cette main-d »uvre n’est pas irremplaçable. « Avant, nous avions des Ukrainiens ou des Russes qui venaient avec des visas de travail. Ça marchait très bien aussi. »

A quelques kilomètres de là, Louise et Paul Coulter dirigent une plantation de fleurs. Eux ne touchent pas de subventions européennes, mais leur main-d »uvre vient également de Roumanie. Ils votent avec passion pour rester dans l’UE. « C’est de la folie de vouloir faire de notre pays une petite île repliée sur elle-même », estime Louise. « Pourtant, la plupart des agriculteurs de la région veulent sortir, constate son mari Paul. Ils sont complètement fous. »

Chez ces électeurs traditionnellement conservateurs, fiers de leur terre, souvent nationalistes, une sortie de l’UE est un choix instinctif. Même si leur modèle économique repose sur la politique de Bruxelles. A l’autre bout du pays, dans le West Sussex, Gwyn Jones, un exploitant agricole qui milite pour rester dans l’UE, fait le même constat. « Beaucoup d’agriculteurs sont déchirés entre le c’ur et la raison. »

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