Bondage et sado-masochisme , comment débuter tout doux

Bondage et sado-masochisme , comment débuter tout doux

Comment aborder le fantasme du BDSM (bondage, domination, sado-masochisme) quand on débute complètement ‘ Quand on voudrait du hard, mais soft ‘ En laissant tomber tout le folklore, nous dit la chroniqueuse de La Matinale, Maïa Mazaurette.

Le Monde
| 04.12.2016 à 07h39
Mis à jour le
04.12.2016 à 11h56
|

Par Maïa Mazaurette

Ce ne sont pas les angoisses qui manquent quand on pense au BDSM (bondage, domination, sado-masochisme) : la peur de la douleur mais aussi celle du ridicule, le côté élitiste, le tabou des sensations interdites, la question des violences conjugales, le folklore des harnais, l’idée qu’on puisse franchir un point de non-retour, l’impossible choix entre suicide social et passion secrète’ en passant par la faute de goût consistant à suivre les goûts du troupeau (cela dit, la mode 50 Nuances de Grey a enfin reflué : allez en paix). Pour enfoncer le clou des réticences : cet acronyme BDSM, comme si « sado-maso » était devenu une expression de novice ayant oublié ses cordes lors de sa dernière rando dans les Alpes. BDSM comme si l’indicible devait être tassé, hygiénisé, onze syllabes dans quatre lettres (or on sait que quatre lettres font toujours mal ANPE, SNCF, RATP, SIDA, SAMU).

Et pourtant. En 2011, un tiers des Françaises fantasmaient sur le fait d’être dominées, et un cinquième des hommes. Un quart des femmes voulaient être menottées ou ligotées, et 15 % des hommes (Harris Interactive/Marianne). En 2014, les deux tiers des Québécoises et plus de la moitié de leurs chums fantasmaient sur le fait d’être sexuellement dominés, le bondage intéressait presque la moitié des répondants, un quart des femmes et 43 % des hommes auraient volontiers fouetté leur partenaire. (Sur un sujet aussi sensible, les chiffres sont toujours à prendre avec des pincettes à tétons.)

Bizarre, cette popularité ‘ Plutôt logique. Nos existences ultra-contrôlées génèrent la tentation du lâcher-prise, surtout avec quelqu’un de confiance (une séance de sexe musclée reste moins risquée qu’un compte bancaire commun). Pour résister au tout-sécuritaire, on joue à se faire peur. Et face à la routine, même un filloniste comprendrait l’intérêt d’explorer de nouveaux territoires. Le pire qui puisse arriver en testant le BDSM, c’est d’en rigoler encore dans trente ans. Le mieux ‘ Découvrir un nouveau conjoint : se rappeler qu’on ne possède jamais personne, que le partenaire du quotidien n’est pas acquis. Le BDSM implique une distance. Une surprise. Voire un doute. Le grand frisson’ mais les pieds au chaud.

Lire aussi :
 

Le cybersexe n’aura pas lieu

Faites au plus simple

Alors comment aborder ce fantasme quand on débute absolument ‘ Quand on voudrait du hard, mais soft ‘ A mon humble avis : en laissant tomber tout le folklore. Plutôt que cinquante nuances de gris, commençons par les déclinaisons de blanc cassé. Une initiation ne devrait pas nécessiter d’investissement lourd, ni émotionnellement ni matériellement. Si les snobs de service vous font croire qu’un doctorat ET une croix de Saint-André sont nécessaires, n’oubliez pas qu’un décorum artificiel peut au contraire faire retomber la pression. Le costume de policier va mieux aux strip-teaseurs.

Au commencement était le verbe : avant tout, définissez quels fantasmes vous avez en commun. Un ou deux suffisent, on n’est pas aux Jeux olympiques. Pour lancer la conversation, prenez le sigle BDSM, puis déroulez le programme : la contrainte physique, oui ou non ‘ Donner ou recevoir des ordres ‘ Le rapport à la douleur ‘ Le mode hiérarchique plutôt dessus ou dessous, plutôt switch (ça veut dire qu’on navigue entre les pôles) ‘ Une fois le terrain débroussaillé, vous pouvez passer à l’action, ou creuser : attacher mais avec des menottes, une paire de collants, de vraies cordes ‘ L’élaboration précise du fantasme peut constituer un préliminaire. Ou une perte de temps. C’est vous qui décidez.

Si vraiment c’est la première fois, faites au plus simple. Votre corps suffit vos mains serrées autour des poignets, le poids du corps pour entraver les mouvements. En zappant les menottes à moumoute rose (qui devraient être interdites par la loi), vous réérotisez votre corps (la main qui d’habitude caresse peut griffer) et votre environnement (« je ne verrai plus jamais ta cravate Mickey de la même manière »). Une cuillère en bois qui a servi pour punir ne touillera plus jamais une soupe de poireaux sans vous rappeler vos ébats érotiques.

Lire aussi :
 

Le plaisir anal, sans peur et sans reproche

Au royaume des contraintes, on fait comme on veut

Oubliez donc l’outillage compliqué, sauf si vous avez trop d’argent (auquel cas votre dévouée chroniqueuse accepte les donations), et regardez autour de vous : quels sont les vêtements, les accessoires qui se prêteraient à votre scénario ‘ Et même sans instrument du tout, il vous reste le jeu de rôle. La domination commence par une prémisse aussi bête, et efficace, que « ce soir tu fais tout ce que je veux » (sachant que non, personne ne fera tout ce que vous voudrez on peut toujours refuser).

Il suffit de quelques mots, d’une torsion du bassin, pour changer le contexte d’une relation sexuelle. Le BDSM n’a pas besoin de cravache ou de poses élaborées : il commence le samedi soir en missionnaire, pour peu qu’on décide que ce missionnaire soit commandé, ou qu’on maintienne les poignets collés au lit, ou qu’on utilise des glaçons pour les préliminaires. C’est mettre son/sa partenaire à genoux pour une pénétration plus profonde, ou lui écarter largement les jambes. C’est un nom d’oiseau autre que « ma tourterelle ». C’est une morsure à la fesse gauche. C’est ordonner à l’autre de ne jouir que sur commande, et tant pis si ça rate on n’est pas à l’armée.

Côté sécurité, même chose : ne dramatisez pas, ne vous lancez pas dans des histoires de contrat de soumission en 89 points et 112 alinéas (sauf si ça vous excite). Vous n’avez pas besoin de safe word (un mot-limite qui marque la fin du consentement) si vous restez dans la zone de sécurité préalablement négociée et franchement, dans 99 % des cas, le bon sens suffit. Si vous pratiquez avec votre conjoint de vingt ans, vous devriez pouvoir « lire » ses réactions. Et si vous doutez, mieux vaut s’arrêter trop tôt que trop tard, quitte à reprendre les festivités ensuite. Mieux vaut également ne pas serrer les liens, pour que la personne puisse toujours se libérer être attaché est un fantasme, pas forcément une réalité matérielle. Ordonner « ne bouge pas » est aussi efficace qu’un n’ud marin. Et tant que vous restez sur une initiation, le seul vrai dommage physique qui puisse se produire est l’asphyxie : qu’on parle d’attacher, de bâillonner ou d’enfoncer la tête dans l’oreiller, restez absolument sur vos gardes.

Lire aussi :
 

Au-delà du sexe « cérébral »

Enfin, les puristes BDSM ont tendance à extraire de leurs pratiques toute gratification sexuelle directe. Ce primat du cérébral est passionnant, mais si vous débutez, surtout avec votre partenaire habituel (le), il n’y a aucune raison de vous priver d’orgasme. Enchaîner sur une relation sexuelle basique, apprise et maîtrisée, peut rassurer et permettre de revenir en eaux douces. (Et la tendresse, bordel ‘)

Pour résumer : malgré un acronyme menaçant, malgré un imaginaire collectif qui moque ou condamne les plaisirs « sado-maso », vous constaterez que cet univers fantasmatique n’a pas à être compliqué, ni exclusif, ni élitiste. Encore moins violent. Vous n’avez même pas besoin de ressentir ou d’infliger de la douleur ! Comble de l’ironie : au royaume des contraintes, on fait comme on veut.

Leave A Reply