Benoît Duteurtre ,  Sans doute Edouard Philippe conservera-t-il des liens étroits avec Le Havre 

Benoît Duteurtre ,  Sans doute Edouard Philippe conservera-t-il des liens étroits avec Le Havre 

Dans une tribune au « Monde », l’écrivain Benoît Duteurtre évoque sa ville natale et son maire nommé premier ministre du gouvernement.

Le Monde
| 22.05.2017 à 10h45
Mis à jour le
22.05.2017 à 14h42
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Par Benoît Duteurtre (écrivain)

TRIBUNE. Quand je grandissais là-bas, à la fin des années 1960, tout le monde s’accordait à voir Le Havre comme une ville particulièrement laide. Elle nous faisait presque honte avec ses fumées d’usines et ses boulevards de béton armé où s’engouffrait le vent marin. Aujourd’hui, Le Havre est à la mode. Les visiteurs trouvent cette cité surprenante et belle. Ils admirent la baie grandiose et les buildings dressés en bordure du port, un peu comme sur les quais de l’Hudson River. Cette architecture géométrique, édifiée sur les ruines de la guerre par Auguste Perret, a bien vieilli en comparaison d’autres uvres de l’urbanisme moderne. Et l’irrésistible ascension d’Edouard Philippe ajoute à l’étrange séduction exercée par le grand port normand qui célèbre, en ce printemps, les 500 ans de sa fondation sous François 1er.

Dans mon adolescence, au début des grandes crises économiques, Le Havre était une cité du bout du monde, malgré son trafic marchand et ses raffineries géantes. Le temps des transatlantiques était passé ; le France commençait à rouiller dans un canal près des nouveaux terminaux à conteneurs ; les gares maritimes n’accueillaient plus les trains de Paris sur ces quais animés qu’on retrouvait dans les films populaires comme Le Gendarme à New York. La capitale nous semblait plus lointaine qu’à la jeunesse d’aujourd’hui, connectée et mondialisée. Pourtant, même lorsqu’on songeait à partir, notre imaginaire se modelait sur ce paysage urbain, ces avenues rectilignes ouvertes sur le ciel et la mer, ces faubourgs et leur grisaille où résonnait la corne de brume ; sans oublier l’immense zone industrielle que je regardais comme une vision fantastique de Jules Verne.

Classé au patrimoine de l’Unesco

Je ne serais peut-être pas devenu écrivain en tout cas pas le même sans un tel décor magnifique et sauvage qui nourrissait mes premiers élans poétiques ; et mes goûts doivent beaucoup à l’histoire artistique…

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