Autorisation sous conditions du redémarrage de sept réacteurs nucléaires français

Autorisation sous conditions du redémarrage de sept réacteurs nucléaires français

L’Autorité de sûreté juge que les anomalies présentées par les générateurs de vapeur de certaines unités n’entraînent pas de risques, sous réserve d’un contrôle au cas par cas.

Le Monde
| 05.12.2016 à 17h00
Mis à jour le
05.12.2016 à 20h08
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Par Pierre Le Hir

La France ne passera pas l’hiver aux tisons, comme le laissait craindre l’indisponibilité d’une partie de son parc nucléaire, affectée par un excès de carbone dans l’acier des générateurs de vapeur. Le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), réuni lundi 5 décembre en séance exceptionnelle, estime que « le redémarrage des réacteurs concerné peut être envisagé ». Toutefois, souligne le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, « ce n’est pas un feu vert sans condition ». Des « vérifications réacteur par réacteur » seront nécessaires, avant l’autorisation de remise en service.

EDF traîne comme un boulet le problème de la trop forte concentration de carbone mise au jour par l’Autorité de sûreté, en avril 2015, dans le couvercle et le fond de la cuve de l’EPR en construction à Flamanville (Manche). A la suite de la découverte de ce défaut de fabrication, sur un composant crucial pour la sûreté, l’ASN a demandé des contrôles sur d’autres pièces. Il est apparu que 46 générateurs de vapeur (GV) équipant 18 réacteurs sur les 58 que compte le parc hexagonal présentaient eux aussi, dans leur partie basse (le fond primaire), un excès de carbone.

« Anomalie sérieuse »

Pour l’autorité de contrôle, il s’agissait d’une « anomalie générique sérieuse », susceptible de fragiliser ces équipements qui, comme la cuve, doivent être à toute épreuve. Les générateurs de vapeur, qui mesurent 22 mètres de haut pour un poids de 465 tonnes, assurent en effet le transfert de chaleur entre l’eau du circuit primaire chauffée à 320 °C par la réaction nucléaire et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine.

Sur les 18 réacteurs concernés, un tiers sont équipés de GV forgés en France par Areva, dans son usine de Creusot Forge (Saône-et-Loire). Après une série de contrôles menés par les équipes d’EDF, ils ont été rapidement autorisés à redémarrer.

Les 12 autres réacteurs, eux, sont pourvus de GV fabriqués au Japon par la société JCFC, avec pour certains des teneurs en carbone particulièrement élevées : jusqu’à 0,4 % de l’acier, alors que la proportion est ordinairement de 0,2 % et que, sur la cuve de l’EPR, elle est d’environ 0,3 %. Sur cette série, 7 réacteurs ont fait ces dernières semaines l’objet d’analyses et de tests, qui ont permis à EDF de présenter un dossier d’« aptitude au service ».

Ce sont ces sept tranches (Bugey 4, Civaux 2, Dampierre 3, Gravelines 2, Tricastin 1, 3 et 4) auxquelles l’ASN vient d’accorder un quitus de principe, sous réserve de vérification « au cas par cas » que leurs générateurs de vapeur ne présentent pas de particularité rédhibitoire. L’ASN explique qu’elle se prononcera pour chaque unité une fois qu’EDF lui aura fourni le résultat de ces ultimes vérifications.

Restent 5 réacteurs, dont l’un (Saint-Laurent B1), inspecté cet été, a déjà redémarré, tandis que les 4 derniers (Civaux 1, Fessenheim 1, Gravelines 4, Tricastin 2) doivent être mis à l’arrêt et contrôlés d’ici à la mi-janvier par EDF, qui a demandé un délai supplémentaire d’un mois et demi pour deux d’entre eux (Civaux 1 et Tricastin 2). Ce n’est qu’après ces inspections que l’ASN prendra position.

Pour statuer, le gendarme de l’atome s’appuie sur l’expertise technique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont l’évaluation « a permis de conclure à l’absence de risque de rupture brutale pour les générateurs de vapeur de fabrication JCFC », ainsi que l’expose son avis rendu le 30 novembre.

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Mesures compensatoires

Si l’horizon s’éclaircit aujourd’hui pour EDF, l’électricien n’en a pourtant pas fini avec ce dossier. De nombreuses conditions restent posées à une relance de tous les réacteurs. D’abord, le dossier d’aptitude au service approuvé de façon générale par l’ASN ne concerne pour l’instant que les tranches de 900 mégawatts (MW). La démonstration de sûreté reste à faire pour deux unités de 1 450 MW (Civaux 1 et 2). Ensuite, l’IRSN réserve son avis pour trois tranches (Bugey 4, Fessenheim 1 et Tricastin 4) dont les générateurs de vapeur sont de conception différente des modèles classiques, et pour lesquelles il faudra donc des investigations complémentaires.

Surtout, l’ASN a prescrit à EDF des études de fiabilité supplémentaires, ainsi que la mise en uvre de « mesures compensatoires » pour pallier la possible fragilité des générateurs de vapeur. En particulier, l’électricien devra veiller à « limiter l’amplitude des chocs thermiques » subis par ces composants. Une contrainte qui l’obligera notamment, lors des phases de mise à l’arrêt des installations, à diviser par deux la vitesse de refroidissement du circuit primaire (14 °C/heure au lieu de 28 °C/heure).

Pierre-Franck Chevet rappelle en outre que ces décisions ne préjugent en rien de l’avis que l’ASN sera amenée à prendre sur la cuve de l’EPR de Flamanville. Cette pièce, où s’opère la réaction nucléaire, doit en effet offrir une résistance sans faille à des températures et des pressions extrêmes. De surcroît, il s’agit d’un composant neuf dont la durée de vie prévue est de soixante ans, ce quoi exige donc « davantage de vérifications de sûreté ».

« Nous prenons acte des annonces de l’ASN et nous sommes pleinement mobilisés pour assurer le redémarrage des sept réacteurs concernés », a réagi auprès du Monde EDF. L’entreprise publique ajoute qu’elle « transmettra dans les meilleurs délais un planning de redémmarage de ses unités afin de donner une visibilité sur les moyens de production d’électricité ».

Fin septembre puis à nouveau début novembre, les injonctions de l’ASN avaient contraint l’électricien à revoir à la baisse son objectif de production nucléaire pour l’année 2016 : au lieu des 395 à 400 térawattheures (TWh) prévus, il a été ramené entre 378 et 385 TWh. De son côté, le Réseau de transport d’électricité (RTE), la filiale d’EDF qui gère les lignes à haute tension, avait annoncé que la sécurité de l’approvisionnement électrique de l’hiver 2016-2017 s’annonçait « plus délicate à assurer que lors des hivers précédents ».

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