Au salon de Farnborough l’optimisme mesuré de Boeing et d’Airbus

Au salon de Farnborough l'optimisme mesuré de Boeing et d'Airbus

Le Monde
| 09.07.2016 à 10h32
Mis à jour le
11.07.2016 à 09h00
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Par Guy Dutheil

Un dernier feu d’artifice de commandes L’édition 2016 du Salon de l’aéronautique de Farnborough (Grande-Bretagne), qui ouvre ses portes lundi 11 juillet dans la banlieue de Londres, sera peut être la dernière arrosée d’une pluie de commandes d’avions neufs. Cette fois encore, la position des astres semble favorable aux avionneurs. Boeing fêtera son centenaire le 16 juillet et ne voudra certainement pas repartir de Londres avec une escarcelle vide de commandes.

De son côté, Airbus devrait aussi multiplier les annonces de contrats. Depuis quelques années, l’avionneur européen a pris l’habitude de surtout remplir son carnet de commandes dans la seconde moitié de l’année. « Nous sommes toujours en retard au début de l’année avant de se rattraper sur le second semestre. Des commandes, on en aura », fait-on savoir chez l’avionneur européen.

Pour l’heure, c’est Boeing qui mène la danse. Notamment en termes de livraisons. Le moment où les constructeurs sont payés par leurs clients. Au premier semestre, l’américain a livré 375 avions. Il prévoit d’en livrer entre 740 et 745 sur l’ensemble de 2016. Cette année encore, Airbus est en retard sur son concurrent. Il n’a livré que 298 appareils au premier semestre. En léger retrait par rapport à la même époque en 2015 quand l’avionneur européen avait alors livré 304 avions. Pour autant, Airbus ne se déclare « pas inquiet ». Son objectif pour 2016 est d’engranger plus de commandes que de livrer des appareils. En 2015, il avait fourni 635 exemplaires de toutes ses familles d’appareils.

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Forte croissance du trafic

Il n’empêche, l’optimisme d’Airbus comme de Boeing est désormais mesuré. Comme si les grandes années de commandes et de livraisons record étaient derrière les deux constructeurs. « Les compagnies aériennes ont largement renouvelé leurs flottes ces dernières années », précise Airbus. Une manière d’annoncer qu’elles achèteront moins d’avions que par le passé.

C’est aussi la conclusion de l’étude annuelle du cabinet de conseil AlixPartners, dévoilée mercredi 6 juillet. A l’en croire : « Les carnets de commandes dans l’aviation commerciale subiront une certaine érosion. » Un constat qui pourrait annoncer un retournement de cycle avec, à la clé, une baisse des commandes et des annulations en série.

La croissance du trafic atteint des sommets depuis 2005. Et elle ne semble pas faiblir. Au contraire. « Les études de marché prévoient une progression du trafic aérien de 4,5 % à 5 % par an lors des vingt ans à venir », indique Eric Dalbiès, directeur de la stratégie du motoriste Safran. Un rythme déjà effréné qui pourtant s’accélère encore. « Depuis dix-huit mois, la croissance du trafic aérien atteint 6 % par an », fait-il savoir. Malgré ces signaux, de plus en plus de cadres dirigeants du secteur de l’aéronautique sont persuadés que la bulle va éclater. En 2016, 40 % d’entre eux, contre un tiers seulement il y a un an, redoutent un renversement de tendance.

Ces dernières années, les compagnies régulières ont surtout été préoccupées « de reconstituer leur matelas financier grâce au pétrole pas cher », pointe un avionneur. Elles ont pu retrouver des marges financières avec la chute des prix du pétrole « en baisse de 70 % par rapport à la moyenne constatée entre 2010 et 2012 », analyse AlixPartners. Ainsi, ajoute le cabinet de conseil, « la facture pétrole qui représentait 33 % du chiffre d’affaires des compagnies aériennes est descendue à 25 % », aujourd’hui.

« Il n’y a pas le feu ! »

Paradoxalement, cette nouvelle aisance freine les appétits des compagnies. « Quand le pétrole était haut, elles voulaient des avions moins gourmands en kérosène. Actuellement, elles mettent plus de temps à se positionner », commente Airbus. Cet attentisme n’effraie pas l’avionneur européen comme son grand rival américain. « Aujourd’hui, quand une compagnie commande un avion, elle attend huit ans avant d’être livrée », signale Airbus. Avec plus de 6 700 avions en commande, soit plus de dix ans de production, le groupe européen a le temps de voir venir. « Il n’y a pas le feu ! », tempère-t-il.

Plus que de remplir des carnets de commandes déjà pleins à craquer, les avionneurs et leurs fournisseurs sont surtout préoccupés par leurs cadences de production. Leur plus gros enjeu pour les années à venir. Airbus a ainsi prévu de sortir de ses chaînes soixante A320 Neo d’ici à la mi-2019. Fournisseur de rang 1, le niveau le plus important pour un avionneur, Safran est persuadé de tenir le rythme. Pourtant, le motoriste doit gérer le passage de témoin entre son best-seller, le moteur CFM56, qui fêtera, à Farnborough, la vente de son 30 000e exemplaire, et son successeur, le LEAP, conçu pour propulser les A320 Neo et les 737 MAX, moins gourmands en pétrole. « La transition sera accomplie à plein régime d’ici quatre à cinq ans », s’enthousiasme M. Dalbiès.

Le risque pour les avionneurs est de voir les compagnies retarder le renouvellement de leurs flottes.

D’ici à 2020, Safran prévoit de produire 2 000 LEAP par an. Dans le même temps, la production du CFM56 devrait décroître pour être presque à l’arrêt en 2020. Si Safran devrait tenir le rythme imposé par Airbus et Boeing, d’autres sous-traitants pourraient s’essouffler. L’équipementier Zodiac, qui fournit notamment les sièges d’avion, a connu des ratés qui ont retardé les livraisons du nouveau long-courrier A350 d’Airbus. AlixPartners prévoit désormais « une sélection naturelle des fournisseurs car, à ce niveau de cadence, les avionneurs ne peuvent plus se permettre d’avoir des retards de livraisons ».

In fine, le risque pour les avionneurs est de voir les compagnies retarder le renouvellement de leurs flottes. Un pétrole durablement bas rend à nouveau compétitifs des vieux avions plus gourmands en carburant mais au prix d’achat depuis longtemps amorti. De même, les compagnies, notamment américaines, aux flottes vieillissantes, pourraient se retourner vers le marché de l’occasion pour ne pas endurer les trop longs délais de livraisons d’Airbus et de Boeing.

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