Au Bangladesh la percée de l’Etat islamique

Au Bangladesh la percée de l'Etat islamique

La sanglante prise d’otages dans un restaurant fréquenté par la communauté expatriée à Dacca a fait prendre conscience au pays de la gravité de la menace djihadiste au Bangladesh. L’attaque qui a fait 20 morts, revendiquée par l’organisation Etat islamique (EI), fait suite à une série de meurtres qui ont endeuillé cet Etat d’Asie du Sud à majorité musulmane ces dernières années. Malgré l’escalade de la violence, le gouvernement continue de nier la présence du groupe terroriste sur son sol.

Bien rasés, habillés à l’occidentale et parlant couramment l’anglais pour certains d’entre eux : c’est ainsi qu’un des rescapés de la prise d’otages a décrit les assaillants. Ils auraient spécifiquement visé des étrangers dans ce restaurant attaqué vendredi 1er juillet peu après 21 heures, prenant soin de laisser la vie sauve aux ressortissants bangladais.

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Ces hommes de 17 à 21 ans, radicalisés récemment, venaient de prêter allégeance à l’EI. Après la publication, samedi, de leur photo par « l’agence » Aamaq, le canal de revendication habituel de l’EI, plusieurs de leurs amis et camarades de classe ont été stupéfaits de découvrir les visages des cinq terroristes. Tous seraient issus de familles aisées et auraient fréquenté des écoles privées, selon la presse bangladaise.

Selon Ajai Sahni, directeur de l’Institut pour la résolution des conflits, une organisation de surveillance du terrorisme basée à New Delhi, l’EI n’est pas directement responsable de la quarantaine d’assassinats qui, depuis 2013, ont ciblé intellectuels, membres des communautés religieuses minoritaires hindou, bouddhiste, chrétienne et chiite, mais aussi blogueurs et défenseurs des droits des homosexuels. « Sa branche médiatique revendique certains meurtres perpétrés par des extrémistes pour entretenir l’illusion d’une présence mondiale », juge M. Sahni.

Mise en scène

Toutefois, tant le mode opératoire que l’envergure de l’attentat de vendredi le distinguent de ces précédents meurtres. Dès le soir de l’attaque, Aamaq publiait des images des victimes prises de l’intérieur du restaurant pendant la prise d’otages. Un élément qui, ajouté à la publication des photos des assaillants se mettant en scène armés avant l’opération, laisse peu de doute sur leur lien avec l’organisation djihadiste. Difficile de prétendre, à l’image du ministère de l’intérieur, que les assaillants « n’ont aucun lien avec l’EI ».

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C’est pourtant l’hypothèse dont ne veut se départir le gouvernement bangladais. Le parti au pouvoir, l’Awami League, affirme que la série de meurtres qui ont ensanglanté le pays depuis 2013 est le résultat d’un complot du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principal parti d’opposition, qui agirait en tandem avec le Jamaat-e-Islami (JI), premier parti islamiste du pays. « Le BNP joue le rôle du producteur, le JI celui du réalisateur et les acteurs sur le terrain sont les divers groupes islamistes armés », avait affirmé en juin à CNN le ministre de l’information, Hasanul Haq Inu.

L’Awami League est accusée d’utiliser la menace du terrorisme islamiste pour écraser ses opposants. En juin, la police bangladaise avait procédé à l’arrestation de plus de 11 000 personnes, dont de potentiels militants, mais aussi des personnes visées de manière arbitraire et des sympathisants du BNP.

Porte d’entrée vers l’Inde

Certains des meurtres ont par ailleurs été revendiqués par Al-Qaida. L’organisation terroriste a développé un réseau important depuis plus de vingt ans dans la région. Le Bangladesh pourrait devenir le théâtre d’une lutte entre Al-Qaida sur le sous-continent indien et l’EI. En 2015, l’organisation radicale Jamaat-ul-Mujahideen Bangladesh, interdite par les autorités, avait fait allégeance à l’EI, tandis qu’un autre groupe, Ansar Al-Islam, s’était lié à Al-Qaida.

Ce pays, où vivent 145 millions de musulmans, est un terrain propice : en proie à des tentations extrémistes, il est également une porte d’entrée vers l’Inde. En juin, la CIA avait affirmé que l’EI allait « intensifier ses opérations terroristes à l’international » à l’heure où il recule en Syrie et en Irak.

Par le spectaculaire attentat de Dacca, l’EI assied sa présence dans la région. S’exprimant en avril 2016 dans Dabiq, la revue de l’organisation djihadiste, l’émir bangladais de l’EI, Abou Ibrahim al-Hanif, n’avait pas fait mystère de ses ambitions régionales en désignant la prochaine cible, l’Inde : « Disposer d’une solide base djihadiste au Bangladesh facilitera des attaques à l’intérieur de l’Inde et y créera les conditions du chaos et de la peur. »

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