Attentat de Nice , Des prescriptions qui évoquent un cas très sérieux décrypte le Dr Olivier Brochart

Attentat de Nice ,  Des prescriptions qui évoquent un cas très sérieux  décrypte le Dr Olivier Brochart

Le Dr Olivier Brochart, psychiatre douaisien, vit dangereusement sans le vouloir. Expert auprès de l’UEFA, chargé de la lutte anti-dopage, il voyage beaucoup, à travers l’Europe. C’est pourtant en vacances, en famille, qu’il est passé devant l’île du Giglio’ la veille du Costa Concordia. «Je vous jure qu’il a fallu débriefer ensemble pour se sentir mieux », dit-il.

En août 2015, de retour d’un match à Amsterdam, l’UEFA lui avait réservé un billet dans le Thalys qui a été attaqué à hauteur d’Arras. «Finalement, j’ai renvoyé le billet pour prendre ma voiture. » Le 13 novembre, il était au Stade de France pour le match France-Allemagne : « Sur le moment, on ne savait pas ce qui s’était passé, mais rétrospectivement, c’est lourd’ » Enfin, habitué de l’aéroport de Zaventem, il y était encore passé la veille des attentats de mars. À Nice, il vient de passer deux semaines pour l’Euro de foot, logé par l’UEFA au Palais de la Méditerranée, pile à l’endroit où a été stoppé le camion fou de la Promenade des Anglais. « C’est là que j’allais faire mes deux balades quotidiennes, le matin et le soir. Je m’y suis fait plein d’amis. » Forcément, il s’est intéressé de très près à tout ce qui touche à cet attentat, et c’est une image venue de Tunisie, où le père de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel brandissait une ordonnance de son fils qui l’a fait réagir’

Que vous inspire ce que vous avez vu

« On voit qu’il lui a été prescrit de l’Haldol. C’est sérieux. C’est un médicament majeur pour le traitement des psychoses. Cela évoque toute une problématique quasiment paranoïaque ; délirante, en tout cas. Quelque chose de très difficile à cerner.

Un vrai schizophrène ne passe pas inaperçu. Même dans la rue, on le repère. Pour des troubles de l’humeur, assortis de troubles psychotiques, c’est plus compliqué. Et à écouter les témoignages, c’est vraiment ce qu’ils évoquent. Un type qui en veut à tout le monde, qui se sent persécuté, qui peut alors préparer son affaire au long cours. »

L’ordonnance est pourtant ancienne’

« Mais nous sommes dans des problématiques chroniques. A bas bruits, le plus souvent, et même parfois très longtemps. Mais soudain, elles peuvent exploser. Encore une fois, il ne s’agit pas d’être péremptoire, mais cette prescription est évocatrice de ce type de comportements. »

Que faut-il penser d’éventuels rapports avec Daech, dont on ne trouve pas la trace

« Il peut y avoir pensé dans les derniers jours, c’est tout à fait possible. Quand on est en détresse, on se réfère à Dieu, c’est très courant. Quelqu’un qui est dans un avion qui tombe implore Dieu, et personne d’autre. Là, c’est un peu la même chose : dans son accablement, il peut s’être adressé à Dieu, seul capable à ses yeux de comprendre ce qu’il allait faire. D’ailleurs, là encore, des témoignages disent qu’il avait fait référence à Dieu dans les derniers jours. »

On peut donc comprendre qu’il ait planifié son geste de si loin

« Tout à fait. Il peut s’être passé quelque chose dans sa vie, en lien avec sa vie privée par exemple on le dit en instance de divorce, une séparation qui se passait mal » qui l’a fait brutalement décompenser. Dans son aliénation psychotique, cela peut tout à fait s’expliquer. Et il peut se passer quinze jours, pendant lesquels il est très ordonné. Très organisé. »

Vous êtes-vous penché sur la problématique des victimes

« Il y a bien sûr les victimes qui sont pris en charge dans le cadre de la procédure judiciaire. Les quatre-vingt-quatre personnes décédées et tous les blessés, mais il y a aussi tous ceux qui ont été choqués, par ce qu’ils ont vu ou parce qu’ils ont perdu un proche. Ceux-là peuvent avoir besoin d’un soutien psychologique immédiatement, ou un peu plus tard, parce qu’ils croient d’abord tenir le coup, mais finalement, c’est très dur. Il nous arrive de voir des gens deux ans plus tard. À cause d’un problème dans leur vie, ils décompensent complètement, ne peuvent plus faire face, et on trouve, en cherchant dans leur passé, la trace d’un profond traumatisme’

En tout cas, pendant mes congés, au mois d’août, je vais sans doute retourner à Nice. Je vais proposer mes services aux équipes de soutien. »

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