Antiterrorisme , sept nouvelles antennes du GIGN et du RAID créées

Antiterrorisme , sept nouvelles antennes du GIGN et du RAID créées

Le Monde
| 11.03.2016 à 11h06
Mis à jour le
19.04.2016 à 17h41
|

Par Julia Pascual

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a présenté mardi 19 avril le schéma national des forces d’intervention groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), l’unité recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) et la brigade de recherche et d’intervention (BRI) ‘ en cas d’attentat. C’est l’une des conséquences des attaques terroristes de Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015 : pour muscler l’arsenal contre-terroriste déployable en cas de tuerie de masse, M. Cazeneuve a décidé une remise à plat du schéma d’emploi des forces d’assaut en France. Une entreprise délicate, à cause de la lutte de pouvoir existant entre les unités.

Le 18 janvier, lors d’un déplacement à Saint-Astier (Dordogne), le ministre de l’intérieur avait fait part de sa volonté que « les forces d’intervention rapide, celles du GIGN en ce qui concerne la gendarmerie, du RAID et de la BRI en ce qui concerne la police nationale, soient réparties (‘) de manière à ce que la totalité du territoire national soit couvert par la présence de ces forces », avec, en ligne de mire, un délai d’intervention maximal de vingt minutes.

Ce schéma chapeautera la montée en puissance déjà engagée des forces de proximité  les brigades anticriminalité (BAC) et leurs équivalents chez les gendarmes, les pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG).

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Equipes de permanence

Des mesures ont d’ores et déjà été engagées depuis les attentats de novembre 2015. Le RAID et le GIGN disposent d’équipes de permanence prêtes à partir, respectivement à Bièvres (Essonne) et à Satory (Yvelines), ce qui n’était pas le cas avant le 13 novembre. La BRI, qui relève de la préfecture de police de Paris, consolide l’autonomie de sa formation anticommando. Elle a commencé des recrutements pour porter ses effectifs de 45 à 120 hommes. En janvier, M. Cazeneuve avait aussi annoncé la création de quatre antennes régionales du GIGN.

Il a confirmé cette annonce mardi, et a précisé qu’elles seraient implantées à Nantes, Reims, Tours et Mayotte. Trois antennes du RAID seront également créées, à Toulouse, Montpellier et Nancy. Afin que ces unités d’élite des forces de l’ordre puissent faire face à un « attentat de masse », les effectifs de la BRI, « l’antigang » de la préfecture de police de Paris, qui compte un peu plus de 100 hommes, seront doublés.

Les zones de compétences suspendues

En cas de crise grave ou d’attaque d’envergure, les traditionnelles zones de compétences qui créent des frontières dans l’intervention des gendarmes et des policiers seront par ailleurs suspendues. « L’heure n’est pas à la concurrence des forces, mais a l’unité », a expliqué le ministre de l’intérieur.

« Face à des ennemis déterminés à nous frapper en provoquant le plus de dommages possible, sans volonté de négocier et dont la propre mort fait partie de la philosophie, de la stratégie, nous avons besoin de forces performantes (‘) qui travaillent les unes avec les autres et qui poursuivent les mêmes objectifs. »

Le GIGN et les policiers du RAID doivent pouvoir « intervenir sans délai », a-t-il ajouté, en faisant abstraction de l’habituel partage du territoire entre policiers et gendarmes, les premiers en ville, les seconds en milieu rural et périurbain. « En cas de tuerie de masse, c’est durant les premières minutes que les terroristes font le plus grand nombre de victimes », a souligné le ministre de l’Intérieur.

« En 2015, on a essuyé les plâtres »

En janvier dernier, le ministre de l’intérieur avait en effet demandé aux maisons mères, les directions de la gendarmerie, de la police et la préfecture de police de Paris, de se mettre autour de la table pour faire un inventaire de leurs compétences : « Sur l’affaire de Saint-Denis comme sur les événements récents, il y a des compétences qu’ont un certain nombre de forces d’intervention rapide et que n’ont pas d’autres », avait explicité le ministre de l’intérieur le 7 mars. Il souhaite « qu’en fonction de l’analyse de la situation et des compétences de chaque force on fasse intervenir telle force plutôt que telle autre ou certaines forces en même temps ».

L’exercice est délicat. Mais nécessaire. « On avait déjà eu des réflexions avant, mais on était dans le virtuel, estime un commissaire de la préfecture de police de Paris. En 2015, on a essuyé les plâtres. » Il s’agit par exemple d’éviter que la BRI ne débarque en zone gendarmerie alors que le GIGN et le RAID y sont déjà, comme ce fut le cas le 9 janvier 2015 à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), où étaient retranchés les frères Kouachi ; ou que le GIGN ne se positionne dans une zone police, comme c’est arrivé le soir du 13 novembre 2015, à la caserne des Célestins, à Paris ; ou encore que le RAID ne se montre au Bataclan ou à l’Hyper Cacher, deux lieux où la BRI est compétente et déjà présente. « Ça pose des difficultés de coordination. Le temps qu’on passe à faire la symbiose, c’est du temps perdu », explique le même commissaire, qui estime que le RAID a pu être de trop.

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« Une question de chefs et d’ego »

Au lendemain des attaques terroristes du 13 novembre, des tensions sont apparues. Pas seulement entre gendarmerie et police, qui se sont de tout temps disputé des prérogatives. Même au sein de la police, les attributions du RAID et de la BRI auraient donné lieu à des jalousies. « C’est une question de chefs et d’ego, commente Nicolas Comte, porte-parole du syndicat Unité SGP Police-FO. Les intervenants, eux, se connaissent tous. »

Les différentes maisons sont toutefois parvenues à se mettre d’accord sur le principe d’interventions complémentaires, sur le modèle de ce qui s’est passé à Dammartin-en-Goële, avec une force menante (GIGN) et une force concourante (RAID). Tout le monde a en tête les scénarios de plusieurs attentats simultanés ou d’une prise d’otages qui dure. « En cas de crise aiguë, ce serait de bon sens, si une force était trop accaparée, que l’unité de la maison cousine soit en capacité d’intervenir », juge un responsable local de la police. Cette complémentarité peut aussi se traduire par des prêts de modules, tels que des négociateurs, des tireurs d’élite ou des véhicules. Elle prend enfin tout son sens « dans des villes de petites et moyennes préfectures ou dans des zones rurales où ni la police ni la gendarmerie n’ont les moyens d’assurer les vingt minutes de délai d’intervention sur une amplitude horaire de vingt-quatre heures », dit Philippe Capon, de l’Union nationale des syndicats autonome (UNSA).

« Pour les tueries planifiées, on doit s’asseoir sur les zones de compétences », estime un haut responsable de la gendarmerie. Côté police, on appelle au contraire à respecter les territoires de chacun et on s’inquiète des appétits du voisin, notamment dans des localités comme Rouen, qui ne dispose pas d’antennes du RAID.

« Chaque unité est dans son corporatisme »

Avant les arbitrages définitifs, les gendarmes revendiquaient également une meilleure expertise en matière d’explosifs, alors que ceux disposés par le RAID sur la porte de l’appartement de Saint-Denis n’ont pas fonctionné le 18 novembre 2015. Jean-Michel Fauvergue, le patron du RAID, apparaît en outre fragilisé depuis qu’il a relayé un récit erroné de cet assaut dans les médias, auprès du ministre de l’intérieur et du procureur de Paris. Il y mentionnait des tirs nourris de kalachnikovs essuyés par ses troupes, alors que seul un pistolet automatique a été retrouvé dans l’appartement où s’étaient retranchés Abdelhamid Abaaoud et ses complices. La situation n’est pas sans rappeler les critiques qui avaient suivi l’assaut du RAID à Toulouse en 2012 contre Mohammed Merah. Un an plus tard, le chef du RAID avait été limogé.

Sous couvert d’anonymat, la BRI se voit elle aussi contestée dans son rôle d’unité parisienne de contre-terrorisme, malgré ses interventions au Bataclan et à l’Hyper Cacher. Les mauvaises langues considèrent qu’elle ne peut pas jouer sur plusieurs tableaux alors que ses équipes partagent leur temps avec des missions de police judiciaire. La rançon de la gloire ‘

« Chaque unité est dans son corporatisme, regrette un ancien du RAID. Mais elles ont les mêmes capacités à faire valoir. Le RAID sait faire sauter une porte, il essaie simplement de ne pas mettre trop d’explosif pour ne pas détruire un appartement voisin. Les gars du RAID suivent la même formation que ceux du GIGN. » A la préfecture de police de Paris, on rappelle aussi que les piégeurs d’assaut de la BRI sont des anciens militaires du GIGN ou du commandement des opérations spéciales.

Pas étonnant, dans ce contexte, que la commande du ministre de l’intérieur n’ait pas permis une remise à plat ambitieuse : « Il n’y a pas de bilan réel de compétences », reconnaît un policier. Et encore moins l’amorce d’une fusion. « Une seule unité, ça règle tous les problèmes », croit pourtant l’ancien du RAID.

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