Angelo Di Marco dessinateur du crime est mort

Angelo Di Marco dessinateur du crime est mort

Collaborateur de très nombreux titres de presse tout au long de sa carrière, le dessinateur de faits divers au trait réaliste doit sa notoriété aux unes du journal « Détective », dont les kiosques à journaux se délecteront pendant plusieurs décennies.

Il n’est pas nécessaire d’être un lecteur de longue date du journal Détective pour connaître l »uvre d’Angelo Di Marco. Son dessin hyperréaliste, son lavis suintant d’angoisse, ses mises en scène à la tension étudiée, ses personnages aux rictus terrorisés ont impressionné plusieurs générations de rétines, de toutes origines. Artiste « populaire » par excellence, le dessinateur français était surnommé l’« Alfred Hitchcock du dessin de fait divers ». Il s’est éteint le 21 décembre à Paris à l’âge de 89 ans des suites d’une longue maladie. Angelo Di Marco était « aux faits divers ce que Fra Angelico est au monde des anges, Toulouse-Lautrec à celui des danseuses de cancan, et Claude Monet à la nonchalance des nymphéas aux teintes de guimauve », disait à son propos le romancier et scénariste Didier Decoin dans son Dictionnaire amoureux des faits divers (Plon, 2014).

Avec lui s’évanouit, un peu plus, un certain type de journalisme sensationnel où le scabreux côtoyait l’idée que « ceci est arrivé près de chez nous ». L’humour nichait néanmoins toujours dans les illustrations de ce maître en second degré, qui avait mis au point un « mode opératoire » immuable, quelle que soit la situation qu’il avait à représenter (meurtre, accident, cambriolages, évasion’) : Di Marco « saisissait » toujours le moment précédant l’irréparable, c’est-à-dire les secondes s’égrenant juste avant que ne s’abatte la lame du hachoir sur le cou de la jeune mère de famille innocente. « La nature même de mes dessins protège la victime puisque j’arrête le geste du meurtrier juste avant qu’il ne se produise, expliqua-t-il un jour à Libération. La victime reste ainsi sauve pour la postérité. »

Le titre accompagnant l’image accentuait aussi beaucoup l’effet recherché, entre terreur et grotesque : « Le dompteur jette sa femme aux lions », « Il attache sa femme et son rival sur les rails », « Un paysan meurt écrasé par son propre b’uf », « Elle achève son mari sur son lit d’hôpital »’ S’il savait tout du cinéma, multipliant les plans en plongée et contre-plongée notamment, l’illustrateur demandait parfois à sa fille Renata de prendre la pose derrière un couteau de cuisine ou sous une cage d’ascenseur, afin de représenter l’effroi au plus juste. Et juste l’effroi : le sang ne coulait en effet jamais dans ses dessins. Di Marco n’était pas un dessinateur gore, mais un metteur en scène de l’épouvante, captée à son acmé.

De très nombreux titres séduits par son trait réaliste

Né un 10 juillet 1927, Angelo Di Marco doit sa passion pour le dessin à son père, immigré italien venu en France pour peindre des publicités sur des abris de bus et des camionnettes. Il a 19 ans quand il publie sa première illustration dans Le Hérisson, après un concours lancé par cet hebdomadaire humoristique auprès de ses lecteurs. La justesse de son trait réaliste va séduire de très nombreux titres, tout au long de sa carrière : L’Epatant, Bravo, Le Parisien libéré, L’Intrépide, Télé 7 jours, Télé Poche, La Vie parisienne, Pif gadget, France Soir, France dimanche, Détective, Noir et Blanc, Paris jour, Actuel, Radar, Le Monde, Libération, L’Evénement du jeudi, Marianne, Télérama’ Autant de publications au sein desquelles il multipliera les genres : dessin de presse, bande dessinée, illustration, dessin érotique (sous le pseudonyme d’Arcor)’

Deux séries lui vaudront une petite notoriété dans le 9e art : Nasdine Hodja, du nom d’un justicier oriental créé par le scénariste Roger Lecureux, dont les aventures parurent dans Vaillant puis dans Pif gadget ; et une adaptation en BD du feuilleton américain K2000, pour les éditions Dargaud. La reconnaissance lui viendra toutefois de ses unes de Détective, dont les kiosques à journaux se délecteront pendant plusieurs décennies.

L’une d’elle permit à la police de confondre un meurtrier, comme le rappelle Didier Decoin dans son dictionnaire, cité en préface d’Angelo Di Marco, l’art du crime (Steinkis, 2015) : « C’était en 1959. Je m’étais rendu à la PJ, au fameux 36, quai des Orfèvres, où la voisine de palier de la victime m’a décrit le type qu’elle avait entrevu. Je dessinais, elle rectifiait, je dessinais, elle rectifiait bref, ça a duré trois heures. Détective a publié ce portrait-robot à la une, et peu après, grâce à ça, le gars a été arrêté. Aujourd’hui, on arrive au même résultat en faisant des simulations sur ordinateur. Mais à l’époque, c’était pas mal, non ‘ »

Leave A Reply