Alerte rouge pour EDF en raison du grand froid attendu

Alerte rouge pour EDF en raison du grand froid attendu

Afin d’éviter des coupures d’électricité la semaine prochaine, avec l’arrivée, mardi, d’une vague polaire, les autorités sonnent la mobilisation générale.

Le Monde
| 13.01.2017 à 13h36
Mis à jour le
14.01.2017 à 10h43
|

Par Jean-Michel Bezat

Le grand froid arrive et, avec lui, la menace d’une pénurie d’électricité. A l’approche de la vague polaire qui s’abattra sur la France à partir de mardi 17 janvier, le gouvernement mobilise les acteurs pour qu’ils coordonnent leurs efforts. Le ministère de l’énergie a réuni, vendredi 13 janvier, les représentants des producteurs, EDF en tête et sa filiale Réseau de transport d’électricité (RTE), gestionnaire des 100 000 kilomètres de lignes à haute tension et responsable de l’équilibre du système électrique dans l’Hexagone, du distributeur Enedis (ex-ERDF) et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Comment passer ce cap difficile, où il faudra mobiliser 100 000 mégawatts (MW) vers 19 heures, entre mercredi 18 et vendredi 20 janvier ‘ La France dispose d’une capacité de production de 129 000 MW (dont 63 000 MW de nucléaire), mais elle ne pourra pas la mobiliser pleinement, notamment en raison de défaillances sur son parc de cinquante-huit réacteurs nucléaires. RTE, qui gère le réseau depuis son Centre national d’exploitation du système ultra-sécurisé de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a annoncé, vendredi, le déclenchement, dès mardi, d’« une partie » des mesures exceptionnelles prévues dans ces cas-là, tout en précisant qu’« à ce stade, il n’y a pas de coupures programmées ».

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Il est probable qu’une alerte générale sera envoyée la veille des jours critiques, par le biais des médias, pour encourager les usagers à réduire leur consommation par des gestes aussi simples qu’éteindre les lumières dans les pièces non utilisées ou les appareils en veille. Autant de gestes qui, selon RTE, permettraient de réduire la consommation d’au moins 2 000 à 3 000 MW, soit la puissance de deux à trois réacteurs nucléaires.

De moins en moins de marge de man’uvre

RTE a quand même a enregistré une bonne nouvelle. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son feu vert au redémarrage de neuf des douze réacteurs concernés par des vérifications de sûreté, après la découverte de trop fortes concentrations de carbone dans ses générateurs de vapeur. De plus, elle a accepté de reporter jusqu’au 3 février l’arrêt de Tricastin 2 (900 MW) et examine la requête d’EDF d’un report à fin mars de l’arrêt de Civaux 1 (1 450 MW).

L’électricien a de moins en moins de marge de man’uvre. Ces dernières années, il a réduit de 1 200 MW la puissance de son parc thermique (fioul, charbon, gaz) au nom d’impératifs économiques et écologiques. La faible pluviométrie a fait baisser les capacités des barrages hydroélectriques. Quant à l’éolien et au solaire, ils n’apportent qu’une production marginale durant cette période d’hiver.

En novembre 2016, RTE avait constaté que le déficit de production nucléaire était « compensé par la hausse de la production thermique à combustible fossile » (gaz et charbon). Vingt réacteurs (sur 58) étaient alors à l’arrêt, soit un tiers de la production nucléaire d’EDF, mais les températures étaient alors bien moins basses que celles annoncées.

La France est le pays européen le plus sensible à ce grand froid, en raison de l’importance du chauffage électrique, qui équipe un tiers des résidences principales (contre 5 % en Allemagne). Ce suréquipement entraîne des pointes de consommation très élevées. Un degré de moins par rapport à la normale saisonnière nécessite la mobilisation de 2 400 MW supplémentaires, soit 2,5 réacteurs nucléaires et l’équivalent de la consommation de Paris intra-muros.

Situation très tendue

Or Météo France s’attend, dans certaines régions, à des températures de 6 °C à 9 °C inférieures aux normales en milieu de semaine prochaine, et l’on pourrait frôler le record de consommation atteint le 8 février 2012 (102 100 MW). Il y a cinq ans, la vague hivernale avait toutefois duré près de deux semaines, alors que Météo France ne prévoit cette fois que quelques jours de grand froid. Ces périodes d’« hyperpointe » ne représentent qu’une centaine d’heures par an, mais un black-out est toujours possible. Et c’est tout le réseau électrique qui risque, alors, d’être endommagé.

La situation sera donc très tendue, même si la France n’est pas démunie pour répondre à la menace. Elle peut, d’abord, importer jusqu’à 12 000 MW des pays voisins, grâce aux interconnexions qui se sont développées au cours des dernières années. Encore faudrait-il que l’Allemagne, l’Italie, la Belgique ou l’Espagne en aient les capacités. Et RTE ne table pas sur plus de 5 000 à 7 000 MW disponibles la semaine prochaine. Elle peut aussi réduire la tension sur le réseau et « économiser » l’équivalent de l’énergie nécessaire au « Grand Paris ».

Par ailleurs, RTE a encouragé le système d’effacement. En échange d’une rémunération qui peut atteindre 70 000 euros par MW interruptible (et non pas interrompu), des entreprises arrêtent leur production en quelques secondes seulement. C’est le cas, par exemple, de 21 grands sites industriels très gourmands en énergie (chimie, papeterie, aluminium’) qui ont signé un tel accord. En décembre 2016, RTE estimait être capable de ne pas appeler jusqu’à 2 500 MW pour soulager le réseau cet hiver.

Appel au civisme

Ce système est même devenu un véritable marché, avec des agrégateurs qui permettent aux fournisseurs d’électricité d’aider leurs clients, notamment industriels, à mieux valoriser cette flexibilité dans la consommation. Ce que fait une start-up comme Energy Pool, créée en 2009 et installée sur la technopole de Chambéry (Savoie), qui vend désormais ses compétences à travers le monde. Ce système d’effacement permet d’économiser le coût de construction de centrales.

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Enfin, le gouvernement, EDF et l’Ademe ont décidé de faire appel au civisme des consommateurs pour qu’ils adoptent « les bons gestes », comme au moment du premier choc pétrolier de 1973. RTE a même demandé aux présentateurs météo de France Télévisions de promouvoir cette démarche citoyenne, ce qu’ils font depuis plusieurs jours à la fin de leur bulletin.

Début décembre 2016, le gestionnaire du réseau a aussi lancé une nouvelle version d’Eco2mix, une application smartphone qui permet d’alerter les consommateurs par SMS, en cas de forte consommation en France. Ce qui évite la mesure que RTE ne prend qu’en dernier recours : les délestages, ces coupures programmées et d’une durée limitée à deux heures pour éviter le black-out redouté par tous les électriciens.

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