Airbnb France , une croissance fulgurante un impôt lilliputien

Airbnb France , une croissance fulgurante un impôt lilliputien

Le Monde
| 12.08.2016 à 06h39
Mis à jour le
12.08.2016 à 10h51
|

Par Isabelle Rey-Lefebvre

La plate-forme d’intermédiation de logements de tourisme Airbnb France s’est félicitée, le 1er août dans un communiqué, d’avoir accueilli, en juillet, son dix-millionième visiteur depuis sa création en 2008. La croissance a été fulgurante puisque, un an plus tôt, elle n’en était qu’à six millions.

Pourtant, selon les comptes déposés en juillet au greffe du tribunal de commerce de Paris, Airbnb déclare un modeste chiffre d’affaires, de 4,996 millions d’euros pour 2015 soit une performance identique à celles de 2014 et de 2013.

Lire aussi :
 

L’offensive des pouvoirs publics contre Uber et Airbnb

Par ailleurs, elle dégage, sur cet exercice, un bénéfice de 166 373 euros soit moins qu’en 2014 (190 234 euros) et qu’en 2013 (216 731 euros). Ces maigres profits, en retrait de 40 % sur un an, ne laissent à l’Etat, comme l’a révélé Le Parisien dans son édition du jeudi 11 août, qu’un impôt lilliputien de 60 169 euros soit moins qu’en 2014 (84 883 euros) et qu’en 2013 (97 692 euros).

Une humble société de prestation de services en marketing

Les résultats de l’antenne française du groupe américain s’enfoncent dangereusement, tandis que son activité s’envole : en juillet, grâce à l’Euro de football, 250 000 supporters ont été hébergés par son intermédiaire.

Lire aussi :
 

Airbnb et HomeAway en guerre contre le projet de loi numérique

En fait, Airbnb France n’est, avec ses effectifs squelettiques (25 salariés), qu’une humble société de prestation de services en marketing pour sa maison mère européenne, installée, elle, en Irlande et au Royaume-Uni, et par laquelle transitent tous les flux financiers de l’activité principale de location, qui échappent à l’impôt français sur les bénéfices.

Lire aussi :
 

Sous-locations Airbnb : les propriétaires se rebiffent

Airbnb profite même du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), à hauteur, en 2015, de 6 982 euros, après les 17 732 euros de 2014. Le vrai chiffre d’affaires réalisé en France, a été dévoilé, à son corps défendant, par la société elle-même, lors de sa convention, en novembre 2015, à Paris.

Pression politique

Entre septembre 2014 et août 2015, elle a dit avoir reversé 481 millions d’euros à ses hôtes français et, puisqu’elle prélève une commission de 3 % auprès des propriétaires et de 9 % à 12 % sans afficher d’ailleurs ses critères de facturation auprès des locataires, il n’est pas difficile d’en déduire des recettes situées entre 55 millions et 69 millions d’euros.

En extrapolant ces chiffres à l’année record qui vient de s’écouler, les recettes 2015-2016 pourraient bien être du double, mais, comme beaucoup d’autres, la société ne communique pas sur ses chiffres.

Lire aussi :
 

Entre Airbnb et les hôteliers, la guerre est déclarée

Face à la pression politique, Airbnb a, depuis octobre 2015, consenti à collecter la taxe de séjour, à Paris, et, depuis le 1er août, dans 19 autres villes, telles qu’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), Ajaccio, Annecy, Avignon, Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), Bordeaux, Chamonix (Haute-Savoie), Strasbourg, Cannes, Antibes (Alpes-Maritimes), qui accueillent, à elles toutes, la moitié des clients.

Montage fiscal légal

Le montage fiscal est légal et Airbnb est loin d’être la seule entreprise à l’utiliser. C’est aussi le cas de Google ou de Booking.com, une société qui s’est également lancée dans la location de vacances :

« Pour rapatrier les bénéfices, il faut que le fisc démontre que l’activité est bien territorialisée en France », estime Anne Guyot-Welke, secrétaire nationale du syndicat Solidaires finances publiques.

La stratégie fiscale d’Abritel HomeAway, un rival d’Airbnb, a été, jusqu’à maintenant, bien différente. Une vraie filiale française a été installée à Marseille elle a notamment sponsorisé l’Euro 2016. Cette dernière compte 159 personnes et déclare en France les revenus qu’elle génère dans l’Hexagone. Abritel a déclaré, en 2015, des recettes de 64 millions d’euros et un résultat courant de 309 585 euros imposé 226 385 euros. En 2014, avec un chiffre d’affaires comparable, elle avait fait un meilleur résultat, de 1,65 million d’euros imposé 530 000 euros.

Abritel a aussi bénéficié de 172 000 euros du CICE, en 2015, de 175 000 euros en 2014 et de 92 000 euros en 2013. Ils auraient dû servir à la formation et à l’embauche de salariés ; pourtant les effectifs ont stagné, voire reculé. Mais cela va-t-il durer ‘ En janvier, Abritel HomeAway a été rachetée par le groupe américain Expedia pour 3,9 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros).

Barcelone en guerre contre Airbnb

La ville de Barcelone a lancé en juillet un plan de lutte contre les appartements touristiques illégaux, doté d’un budget de 1,35 million d’euros. Renforcement des inspections, création de postes d’une vingtaine de « visualisateurs » chargés de faire du repérage, ou encore lancement d’un site de « collaboration citoyenne » : en un mois, ce « plan de choc » a permis d’ordonner la fermeture de 256 appartement illégaux, et de lancer de nouvelles inspections sur la base des 375 plaintes déposées sur le site Internet. La mairie a par ailleurs infligé des amendes de 30 000 euros à Airbnb et Homeaway pour la publication d’annonces d’appartements touristiques illégaux, et averti que « s’ils ne collaborent pas », les amendes pour récidive seront de 600 000 euros.

Leave A Reply