Pourquoi les peines de prison effectuées sont-elles différentes de celles prononcées ‘

Pourquoi les peines de prison effectuées sont-elles différentes de celles prononcées '

Meurtrier du couple de policiers à Magnanville (Yvelines) le 13 juin, Larossi Abballa, tué lors de l’assaut du RAID, était bien connu des services de police et de justice. Le jeune homme de 25 ans, qui a prêté allégeance au groupe Etat islamique, avait notamment été condamné à trois ans de prison, dont six mois avec sursis, en septembre 2013, pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes », dans le dossier d’une filière d’acheminement de djihadistes vers les zones tribales pakistano-afghanes du Waziristan (Pakistan). Soupçonné d’entretenir des liens avec des talibans et Al-Qaida, Larossi Abballa était ressorti libre du tribunal correctionnel de Paris, sa peine étant couverte par sa détention provisoire.

Deux de ses complices présumés, mis en examen et placés en détention provisoire dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 juin, avaient été condamnés dans cette même affaire. L’un d’entre eux, Charaf-Din Aberouz, qui avait écopé de cinq ans de prison, avait bénéficié d’une remise de peine lui permettant d’être libéré un peu plus d’an après sa condamnation. Source de nombreux fantasmes, le système des réductions de peine cristallise les critiques autour de ce que certains taxent parfois de « laxisme coupable de la justice ».

1. Qu’est-ce qu’une réduction de peine ‘

Il s’agit de mesures qui dispensent les personnes condamnées à de la prison ferme d’effectuer une partie de leur peine derrière les barreaux. Cette mesure concerne seulement les personnes dont la condamnation a acquis un caractère définitif, c’est-à-dire lorsque les délais d’appel ou de pourvoi en Cassation sont dépassés ou rejetés.

Il existe plusieurs motifs justifiant des réductions de peine. En général, ces dernières sont octroyées en raison de la bonne conduite et des efforts de réinsertion du détenu. Les individus bénéficiant d’une réduction de peine ne sont toutefois pas relâchés dans la nature sans suivi judiciaire. Ils font l’objet de surveillance, d’obligations et d’interdictions qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent engendrer un retour en détention.

Il ne faut pas confondre les réductions de peine avec la remise de peine. Si le principe est le même, la remise de peine est une décision prise par un décret de grâce signé par le président de la République, tandis que la réduction de peine est rendue par un juge.

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Le principe de réduction de peine repose sur l’idée qu’une « peine fixe », c’est-à-dire une peine que le détenu purgerait au jour le jour et dans son intégralité, ne prévient pas des risques de récidive. Au contraire, selon les spécialistes de la justice, une peine stricte aggraverait les risques de récidive. Les réductions de peine représentent donc une « carotte » qui incite le détenu à bien se comporter. En cela, cette mesure s’inscrit dans un processus de réinsertion. Une position soutenue par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), selon qui toute peine de réclusion doit comporter, à terme, un espoir de sortie de prison, fût-il lointain et minime.

2. Quels sont les types de réduction de peine ‘

Les réductions de peine ordinaires

Avant 2004, les réductions de peine étaient accordées en fonction de la « bonne conduite » du détenu. Depuis la loi du 9 mars 2004, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, le crédit de réduction de peine (CRP) est attribué de façon automatique, sans qu’aucun comportement positif ne soit exigé de la part du détenu. Et le juge de l’application des peines (JAP) n’intervient plus dans le processus d’octroi. Seul un greffe judiciaire pénitentiaire se charge de calculer le « crédit » du détenu après sa condamnation définitive.

L’article 721 du code pénal prévoit un crédit de réduction de peine de trois mois pour la première année de détention, puis de deux mois par année suivante, ou de sept jours par mois pour une durée d’incarcération moindre. Depuis l’adoption de la réforme pénale de l’ancienne garde des sceaux, Christiane Taubira, en juillet 2014, les récidivistes bénéficient des mêmes crédits de réduction de peine que les autres condamnés. Ces réductions de peine représentent environ 20 % de la peine totale des condamnés.

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Les personnes condamnées pour meurtre ou assassinat, actes de torture ou de barbarie, viol, agression ou atteinte sexuelle commis sur un mineur et refusant les soins, ne sont pas soumis au même calcul. Ils bénéficient d’une réduction de peine de deux mois la première année et d’un mois par année suivante, ou de quatre jours par mois.

Ces réductions de peine peuvent toutefois être retirées par le juge de l’application des peines soit au cours de la détention pour « mauvaise conduite » ou après la libération, en cas de « non-respect des obligations fixées » (article 721-2 du code de procédure pénale), comme l’obligation d’indemniser la partie civile, ou l’interdiction d’être en relation avec elle.

Les remises de peine d’Amedy Coulibaly

A l’époque de l’affaire Coulibaly, Marine Le Pen s’était indignée que l’auteur de la prise d’otages meurtrière de la porte de Vincennes, en janvier 2015, n’ait passé que quelques mois derrière les barreaux, alors qu’il avait été condamné à cinq ans de prison le 20 décembre 2013, pour avoir projeté l’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, auteur des attentats de 1995 dans le RER B. Amedy Coulibaly avait été libéré de prison le 4 mars 2014, avant d’être placé sous surveillance électronique jusqu’au 15 mai 2014, soit la fin de sa peine.

En application du code pénal, l’homme a bénéficié d’une remise de peine automatique d’environ un an : six mois de réduction de peine ordinaire pour un détenu en état de récidive (deux mois pour la première année, quatre mois pour les quatre années suivantes) ; six autres mois pour sa bonne conduite durant sa détention. Sachant qu’il avait déjà passé trois ans derrière les barreaux durant sa détention provisoire, et en vertu des remises de peine, Amedy Coulibaly est sorti de prison moins d’un an après sa condamnation.

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Les réductions de peine supplémentaires

Le système des réductions de peine supplémentaires est prévu par l’article 721-1, qui précise :

« Une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles, en justifiant de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation, en suivant une thérapie destinée à limiter les risques de récidive ou en s’efforçant d’indemniser leurs victimes. »

Cette mesure concerne les détenus condamnés à des peines d’emprisonnement supérieures à un an. Les réductions de peine supplémentaires sont de trois mois par année et de sept jours par mois, à partir de la condamnation définitive. Pour les récidivistes, elles ne sont que de deux mois par an et quatre jours par mois. « Les réductions de peine supplémentaires sont de trois mois par année et de sept jours par mois, à partir de la condamnation définitive. Pour les récidivistes, elles ne sont que de deux mois par an et 4 jours par mois », détaille le site des avocats de Paris. Contrairement aux réductions de peine ordinaires, les réductions de peine supplémentaires sont rendues par un juge de l’application des peines.

La remise de peine de Véronique Courjault

Reconnue coupable d’un triple infanticide, Véronique Courjault, condamnée à huit ans de prison en juin 2009, avait été libérée en mai 2010. Une partie de sa peine avait été purgée en détention provisoire, et elle a bénéficié d’une remise de peine automatique. Et surtout, un comportement exemplaire en détention, qui lui a permis d’obtenir une remise de peine supplémentaire d’environ un an.

Les réductions de peine exceptionnelles

Cette mesure, régie par l’article 721-3, s’applique aux détenus ayant donné une information permettant de faire cesser ou d’éviter une infraction relevant de la délinquance ou criminalité organisée. Ces réductions de peine peuvent aller « jusqu’au tiers de la peine prononcée » et jusqu’à cinq ans pour des individus « condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ».

3. Quelle est la différence entre un aménagement et une réduction de peine ‘

Au-delà des réductions de peine, qui se jouent au sein de l’univers carcéral, les détenus peuvent bénéficier d’un aménagement de peine, comme la semi-liberté ou le placement sous surveillance électronique, précisé dans l’article 729 du code pénal :

« Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle s’ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu’ils justifient soit de l’exercice d’une activité professionnelle, soit de l’assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ou encore d’un stage ou d’un emploi temporaire en vue de leur insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement, soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs victimes. »

La libération conditionnelle peut être accordée à partir de la mi-peine, et pour les personnes majeures en cas de réclusion à perpétuité. Ces délais sont rallongés lorsqu’il s’agit de récidive.

En raison de ces dispositifs législatifs, les peines prononcées par les juges lors d’un procès ne sont, dans la quasi-totalité des cas, jamais purgées dans leur intégralité. Cette confusion induite par les réductions de peine et vivement critiquée semble pourtant être l’un des seuls remparts pour motiver les détenus à bien se comporter en vue d’une réinsertion réussie.

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