Qualité nutritive des aliments , des inquiétudes et des exagérations

Qualité nutritive des aliments , des inquiétudes et des exagérations

Les pommes d’aujourd’hui contiennent-elles cent fois moins de vitamine C que celles des années 1950 ‘ Pas vraiment. En revanche, il est plutôt attesté que les fruits et légumes contiennent moins de nutriments qu’avant.

Le Monde
| 12.10.2016 à 19h15
Mis à jour le
12.10.2016 à 19h41
|

Par Gary Dagorn

Les pommes d’aujourd’hui contiendraient cent fois moins de nutriments que celles des années 1950 selon cette information, publiée par Terra Eco et Rue89, notamment, et massivement partagée sur les réseaux sociaux. Elle est pourtant fausse et résulte à la fois d’une mauvaise lecture des études scientifiques et de biais et limites des études elles-mêmes, que ne précisent pas les articles traitant du sujet mais qu’il est important de connaître.

Dans les articles de Rue89 et de Terra Eco, repris par Jean-Luc Mélenchon le 10 octobre sur RTL, on pouvait lire :

« Hier, quand nos grands-parents croquaient dans une Transparente de Croncels, ils avalaient 400 mg de vitamine C. Aujourd’hui, les supermarchés nous proposent des bacs de Golden standardisées, qui ne nous apportent que 4 mg de vitamine C chacune. Soit cent fois moins. »

C’EST COMPLÈTEMENT FAUX

Si l’on observe les données disponibles, on peut mettre en évidence une baisse de la vitamine A dans certaines pommes. Les chiffres d’une étude canadienne publiée en 2002, compilés par CTV News, indiquent que la teneur en vitamine A des pommes étudiées a baissé d’environ 41 % entre 1951 et 1999 en moyenne. En revanche, celle en vitamine C a, elle, augmenté de 16 % sur la même période de temps.

L’affirmation selon laquelle il y aurait cent fois moins de vitamine C dans les pommes d’aujourd’hui est fausse, pour plusieurs raisons. Premièrement, comparer les teneurs en vitamine C de deux variétés de pomme Transparente de Croncels et Golden en l’occurrence dans le temps n’a aucun sens, car les variétés de pomme offrent des concentrations en nutriment très différentes les unes des autres. Les pommes Golden ne sont pas les plus riches en vitamine C et ça ne date pas d’hier. L’article s’appuie sur un exemple, déjà invalide, pour généraliser à toutes les pommes, sans s’appuyer sur les données existantes pour d’autres variétés.

Deuxièmement, le chiffre de 400 mg de vitamine C donné pour la Transparente de Croncels est fantaisiste, n’est pas sourcé et n’est pas présent dans l’étude citée. Les plus hautes teneurs en vitamine C ne dépassent que rarement le taux de 50 mg/100 g. De plus, ce chiffre est donné pour une pomme entière, alors que le chiffre des Golden est un taux pour 100 grammes.

Troisièmement, la précision des données datant des années 1950 est à relativiser. Ces données n’ont pas été recueillies avec la même méthodologie ni avec la même précision qu’aujourd’hui et ne permettent pas forcément de tirer des conclusions précises, mais seulement des tendances sur le long terme.

Il faut aussi préciser que beaucoup d’études portent sur des aliments produits aux Etats-Unis ou au Canada, où les normes et la réglementation en matière de protection de l’environnement et de pesticides sont différentes de celles adoptées en France et en Europe.

Nos aliments contiennent-ils moins de nutriments qu’avant ‘

C’EST PLUTÔT VRAI

Les études sur le sujet indiquent que la concentration de certains nutriments importants a tendance à baisser. Des travaux menés aux Etats-Unis sur 43 fruits et légumes, et publiés en 2004, indiquent que les concentrations ont baissé : 20 % pour la vitamine C, 15 % pour le fer, 16 % pour le calcium ou encore 6 % pour les protéines. « Les efforts pour cultiver de nouvelles variétés offrant de meilleurs rendements, une résistance aux insectes et une meilleure adaptation aux conditions météo ont permis aux plantations de croître plus et plus rapidement, mais la capacité des variétés à produire des nutriments n’a pas suivi cette croissance rapide », selon Donald Davis, chercheur à l’Institut biochimique de l’université du Texas et auteur principal de l’étude en question.

Cela peut s’expliquer par les méthodes d’agriculture intensive, la sélection de certaines variétés au détriment d’autres sur des critères esthétiques ou répondant aux besoins de production, ou encore le fait que nombre de fruits et légumes sont cueillis tôt, avant d’être mûrs, afin qu’ils résistent mieux aux centaines ou milliers de kilomètres qu’ils parcourent avant d’être vendus ou mangés.

Il est toutefois important de rester factuel et d’appréhender correctement la portée des résultats de ces études. Car si celles-ci indiquent que la concentration de certains nutriments semble bel et bien baisser dans une partie des aliments, d’autres ont vu leur concentration augmenter. Nos aliments en contiennent des centaines, dont beaucoup ne sont pas clairement identifiés et jouent un rôle encore mal compris.

Une synthèse des connaissances scientifiques publiée en 2007 par Brian Halweil, professeur au Worldwatch Institute, souligne par ailleurs que la façon dont notre métabolisme intègre ces nutriments est souvent plus importante que la quantité qu’il consomme.

Les travaux ayant étudié l’évolution de la concentration des nutriments dans le temps n’étant que peu nombreux, l’ampleur d’éventuelles conséquences sur la santé n’est pas connue avec précision.

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